Photo : Riad De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «Jusqu'ici, la lutte contre la mendicité en général a été menée de manière très archaïque et avec des moyens dérisoires. Mais dès l'installation du samu social, on devrait parvenir à de meilleurs résultats.» C'est en tous les cas la conviction du nouveau directeur de l'action sociale d'Oran, Rahim Djamel, qui croit dur comme fer que l'avènement de cette structure, dont on annonçait la création depuis bientôt dix années, donnera de l'air à la DAS et permettra une meilleure appréhension du phénomène de la mendicité. «La population d'Oran a augmenté et les problèmes sociaux se sont accentués (femmes battues, SDF, enfants exploités, personnes âgées en danger….) En outre, un certain nombre de personnes vienent des autres wilayas pour faire la manche, ce qui complique davantage notre travail», ajoute le responsable pour expliquer le fait que la DAS soit à ce point débordée. Dans cet enchevêtrement de préoccupations sociales, le problème des enfants exploités dans la mendicité ne peut encore constituer une priorité. Et pourtant, l'Oranais le constate tous les jours : les enfants sont de plus en plus présents dans le milieu de la mendicité qui, affirme-t-on à la DAS, est désormais devenue un secteur d'activité très organisé et très lucratif. «Des femmes sont déposées tôt dans la matinée par des voitures dans les coins stratégiques de la ville, des enfants sont utilisés pour susciter la pitié, des handicapés sont parfois mis à contribution…» affirme-t-on. «Bref, tout indique que des groupes bien structurés règnent sur ce secteur qui compte fortement sur la bonté et l'indulgence humaines», explique-t-on encore pour souligner l'évolution que ce phénomène a connu durant les années 1990 dans le sillage des événements tragiques que le pays a connus. L'absence d'une véritable stratégie nationale de lutte contre la paupérisation et la déliquescence du tissu social a permis à la mendicité de s'installer dans les mœurs algériennes. Aujourd'hui, certains enfants –filles et garçons dont l'âge tourne autour de dix ans- sont passés maîtres dans l'art de «gentiment persécuter» les passants, de leur soutirer la monnaie autant que le sourire malgré la réticence et l'agacement de plus en plus affichés par la multitude. «Il faut que l'Etat intervienne pour mettre un terme à cette pratique, s'insurge-t-on, en effet, dans la rue. Ce sont, quand même, des enfants dont la place est à l'école ou dans un centre de formation. A ce rythme, et à défaut de mesures radicales, ce sont la drogue et la prostitution qui les guettent à moyen terme.» Selon le directeur de la DAS, le samu social serait la première de ces mesures qui permettrait de lutter avec efficacité contre la mendicité et l'utilisation éhontée des enfants. «Cette structure, dont la création est prévue pour fin avril prochain, sera composée d'une équipe pluridisciplinaire à même d'appréhender de façon convenable tous ces fléaux. De plus, elle sera dotée de moyens matériels adéquats, notamment des locaux propres et des véhicules, et pourra agir de manière beaucoup plus efficace», affirme Rahim Djamel en comparant les missions du futur samu social au Soemo, ce service d'orientation et d'éducation en milieu ouvert créé dans les années 1970 et qui s'occupe, notamment, du suivi des mineurs en danger moral. En attendant, de petits enfants continuent de traîner leur enfance dans les rues et les cafés sous le regard indifférent de la société, poussés qu'ils sont par des adultes que n'inquiètent ni les pouvoirs publics, qui jurent d'appliquer la loi dans toute sa rigueur, ni une conscience depuis trop longtemps anesthésiée.