En deux ans à peine, les prix de détail des légumes secs ont triplé, passant de 45 DA/kg, en 2007, à 75 DA, durant la fin de la même année, puis à 90-95 DA, et enfin à 130-140 DA/kg. Plusieurs raisons expliquent cette flambée des prix. La première émane de la volonté des pouvoirs publics de réduire une facture des importations qui a plus que triplé en trois ans, pour atteindre, fin 2008, près de 40 milliards de dollars. Pour cela, les autorités financières n'y ont pas été de main morte : dévaluation du dinar qui est passé en quelques mois de 65 DA pour 1 dollar à 71DA/1 dollar, fin octobre, interdiction de déchargement de marchandises non conteneurisées au port d'Alger, mise en place du crédit documentaire par la LFC 2009. L'autre raison réside dans la flambée des cours des légumes secs sur les marchés internationaux. Le plus remarquable dans tout cela est l'uniformisation des prix de ces produits de consommation courante un peu partout dans la région Centre, dans les alimentations générales ou les supérettes. Prix à l'importation, selon les réponses d'un importateur ayant pignon sur rue (semaine du 21 au 28 octobre) : la tonne de lentilles en provenance du Canada revient entre 950 et 990 dollars (soit 66 450 à 70 290 DA/tonne), la tonne de haricots blancs (Argentine ou Egypte) revient à 1 000 dollars (environ 71 000 DA/tonne). La tonne de pois chiche coûte 1 300 $ US sur les marchés internationaux (soit 92 300 DA/tonne). L'importateur paye 15% de droits de douanes et 7% de TVA. Il est utile de rappeler que les droits de douane et la TVA, pour les semences de ces mêmes produits, sont de 5 et 7%. La marge bénéficiaire à chaque étape de la distribution est très importante Un importateur de l'intérieur du pays ne se contente pas d'importer, mais dispose de moyens de conditionnement des légumes secs. Haricots, riz ou lentilles sont importés en sacs de 50 kg et revendus soit en sacs de 50 ou 25 kg. Le même produit revendu en paquet de 500 g ou de 1kg est naturellement cédé plus cher. L'importateur de l'intérieur du pays emploie une main-d'œuvre féminine pour le conditionnement des légumes secs. Le kilo de lentilles ou de haricots en vrac est cédé à 100 DA, en moyenne par l'importateur qui doit payer les droits de douane, le transport et les divers frais avant de livrer la marchandise à sa clientèle. Au niveau des détaillants, dans la ville même de l'importateur et à quelques centaines de mètres du dépôt-usine, les prix affichés en supérette sont : lentilles 130 DA, pois chiches 145 DA, haricots 145 DA, flageolets (haricot œil noir) 130 DA, conditionnés en paquets de 1 kg. L'importateur s'offusque d'un pareille marge puisqu'il soutient que le prix de vente en gros est de 100 DA/kg. Côté détaillants, la plupart prétendent ne percevoir qu'une moyenne de 5 DA/kg dans la revente des légumes secs, avouant que parfois ils perçoivent jusqu'à 10 DA/kg pour plusieurs raisons : il manque souvent 2 à 3 kg dans les sacs de 25 ou 50 kg ; des impuretés (cailloux, poussière, etc.) accompagnent la marchandise non conditionnée, livrée en vrac. La marchandise conditionnée en paquets de 500 g ou 1 kg est plus intéressante, même si elle est plus chère, car elle ne contient pas trop d'impuretés. Les détaillants affirment que s'ils ne faisaient pas attention, s'agissant du vrac, ils vendraient à perte. On peut aisément conclure qu'il n'y a pas pénurie de produits alimentaires de base, mais enchérissement. L'importateur, avant dédouanement, hors TVA et transport, paye respectivement, suivant les cours actuels du dinar algérien, soit 71 DA pour 1 dollar pour : le kg de lentilles entre 66,45 DA et 70,29 DA/kg ; le kg de haricots blancs 71 DA/kg ; le kg de pois chiche à 92,3 DA/kg. Si ce que déclare l'importateur de légumes secs est exact et que le prix de vente aux grossistes se situe autour de 100 DA/kg, puisque le détaillant affirme ne percevoir qu'une marge de 5 à 10 DA/kg, la différence entre le prix de détail (130 à 145 DA/kg et le prix de gros 100 DA/kg) est partagée par le grossiste et les demi-grossistes, souvent des ambulants dotés de fourgons. Ce qui donne environ 10 DA/kg de marge à chaque étape : du grossiste au demi-grossiste et du demi-grossiste au détaillant. Sur le terrain, au niveau d'un chef-lieu de daïra de l'intérieur, 2 grossistes distants d'à peine 200 mètres affichent les prix suivants pour les légumes secs en vrac, conditionnés en sacs de 25 kg : Grossiste n°1 : haricots blancs 1er choix (grande taille) : 107 DA/kg ; haricots blancs 2e choix (petite taille) : 75 DA/kg ; lentilles : 109 DA/kg ; pois cassés : 98 DA/kg ; pois chiche : 106 DA/kg. Grossiste n°2 : haricots blancs 1er choix : 106 DA/kg ; lentilles : 112 DA/kg ; pois chiches : 104 DA/kg ; pois cassés : 113 DA/kg. Ce qui laisse supposer que les détaillants prennent la plus grosse marge en fait, si l'on se réfère aux prix de détail pratiqués depuis environ deux mois (Ramadhan). À moins qu'ils ne se fassent livrer la marchandise par des demi-grossistes ambulants lorsqu'ils ne disposent pas de leurs propres moyens de livraison.Il serait peut-être temps de faire un effort pour enfin cultiver sérieusement ce genre de produits de la terre qui, il n'y a pas si longtemps, faisaient la fierté des régions de Sidi Bel-Abbès et Tiaret : qu'il s'agisse de lentilles, de pois chiche, de haricots blancs dans leurs variétés les plus diverses, de petits pois ou de fèves. Que le ministère de tutelle fasse le même effort qui a été réalisé pour la promotion de la culture céréalière, en offrant, par exemple, des prix comparables, et même, pourquoi pas, supérieurs à ceux des marchés extérieurs, afin d'encourager ces cultures en Algérie. Il y va de la paix sociale et donc de la sécurité alimentaire du pays, dont on n'a fait jusqu'ici qu'en parler, sans trop d'effet sur la réalité concrète, hélas toujours aussi têtue, et peu réjouissante.