Les intervenants au cours de ce débat ont surtout mis en évidence l'importance géostratégique de cette région, confrontée à la fois à des défis d'ordres sécuritaire, ethnique, économique. “Le Sahel est une zone de crises. Pourtant, il représente le ventre mou dans la sécurité algérienne”. C'est ce qu'a déclaré, hier, le responsable du Centre des études stratégiques d'Echaâb, Mohand Berkouk, lors de la conférence sur les “problématiques sécuritaires dans le Sahel africain”. Dans son allocution introductive, ce dernier a également observé que l'Algérie “ne s'est pas trop intéressée à cette région”, en déplorant l'absence d'études, notamment des “études anthropo-politiques”. M. Berkouk a en outre rappelé les résultats d'une étude récente, consacrée au phénomène d'insécurité, qui met en avant un certain nombre de facteurs propres au Sahel africain. On retiendra, dans ce cadre, “la faiblesse dans l'identité politique de l'Etat”, notamment au Mali et au Niger, les problématiques liées à “l'injustice distributive”, en référence à la distribution inégale des ressources naturelles et donc à la pauvreté, le “phénomène d'insécurité” rendu possible par l'inexistence d'une institution commune, ainsi que les “problèmes d'incohérence” en termes de vision. L'organisateur de la rencontre d'Echaâb a ensuite abordé le regard porté sur cette région par les Etats-Unis et la France. Selon lui, les USA importeront 25% de leur énergie de l'Afrique, ce qui confirmerait “la vision US de sécurisation de ses intérêts, à la fois géopolitiques et géo-énergétiques”. Quant à la vision française, Mohand Berkouk s'est demandé si celle-ci entre en rivalité avec celle des Américains ou si elle la complète, avant de conclure sur la nécessité de créer “un cadre inter-opérationnel pour les pays du Sahel, car les problèmes d'ordre sécuritaire sont de nature flexible”. L'universitaire Abdelhafid Dib est allé dans le même sens, du moins en affirmant que le Sahel est “aux portes de l'Algérie”, surtout du côté sud de “cette zone de crises”. L'intervenant a cependant approché la question sécuritaire sous l'angle des frontières. Carte géographique à l'appui, il a signalé que les frontières algériennes se trouvent à 463 km de la Mauritanie, 1 376 km du Mali, 956 km du Niger et 982 km de la Libye. Soit un total 3 747 km. M. Dib a par ailleurs abordé les questions liées à l'immigration, estimant qu'elles se justifient par la pauvreté et les crises internes. Il a clairement laissé entendre que cette immigration peut être à 90% une base pour le crime organisé, y compris sous son visage terroriste. “Si la région frontalière ne connaît pas de développement, alors le problème de sécurité restera posé pour l'Algérie”, a-t-il soutenu. La problématique sécuritaire dans le Sahel africain a également été examinée sous sa dimension ethnique, par un autre universitaire, Hocine Boukhara, qui a étudié le sujet complexe des minorités touaregs. D'après lui, cet aspect est important à connaître, car “chaque fois qu'il y a problème au Mali ou au Niger, celui-ci a des répercussions sur l'Algérie”. Même si le problème des Touaregs renvoie à “la faiblesse des Etats” voisins et à leur incapacité à “répondre aux besoins de ces minorités”, il intéresse néanmoins certains pays, plus récemment les USA. De plus, ce problème est parfois instrumentalisé et brandi par certains Etats, dont la Libye et le Maroc, comme “une carte de pression”. Israël n'est pas resté en marge de ces pressions, puisque ce pays aurait tenté, de 1992 à 1995, d' “influer sur les événements dans la région, à travers la tribu Isaak (une tribu d'origine juive qui s'est convertie à l'Islam), au nord du Niger”. À M. Boukhara d'insister enfin sur le lien entre la stabilité de la région et son développement. Il faut savoir que la conférence-débat, initiée par le Centre des études stratégiques d'Echaâb, est la première d'un cycle de rencontres consacrées à la région du Sahel. Ainsi, au cours de ce mois, deux autres tables rondes auront lieu et porteront respectivement sur “la politique française au Sahel” et “les enjeux stratégiques des politiques américaines au Sahel”. Le cycle de débats se poursuivra jusqu'au 20 décembre prochain, une date qui coïncidera avec la table ronde réservée au “terrorisme et (aux) questions sécuritaires”.