Des jeunes ont été interpellés par la police pour avoir jeté des pierres contre le cortège présidentiel. La première journée de la visite présidentielle à Mascara a été marquée par une désaffection populaire à Sig. Première étape de son périple dans cette wilaya, la daïra de Sig n'a pas, en effet, offert au président Bouteflika le bain de foule qu'il aurait voulu. 9h30. Les barrières de sécurité destinées à contenir la foule se sont avérées inutiles par endroits. 10h. À 5 minutes de l'arrivée du cortège présidentiel, les services du protocole, informés de cet état de fait, ont ordonné de rassembler les groupes clairsemés pour constituer une “foule compacte” et donner l'illusion du nombre. Il faut dire aussi que dans cette foule accueillant le Président prédominaient les... enfants. Mais pourquoi la population de Sig n'a pas été au rendez-vous de la visite présidentielle ? Selon des citoyens de cette région, rencontrés de part et d'autre du cortège, les préoccupations de la population sigoise sont ailleurs. “Sig est une des régions qui a été durement éprouvée par le terrorisme. Depuis son investiture, Bouteflika n'a jamais jugé utile de se déplacer chez nous. Il vient, aujourd'hui, à quelques mois seulement de la présidentielle, pour avoir le soutien de la population pour un second mandat”, nous a déclaré un citoyen rencontré sur place. Un autre lui succède et déclare refuser d'être “utilisé à des fins électoralistes”. On apprendra, pourtant, que les services de la présidence ont fait d'importants efforts pour mobiliser les foules. Des sources locales révèlent, en effet, que des cadres de la présidence ont tenu, la veille de cette visite, des réunions avec des notables de la région de Sig et notamment avec la famille Aïs, connue pour être propriétaire de conserveries d'olives et de vastes terres agricoles. Il s'agissait donc, par le biais de ces réunions, de s'adjuger une mobilisation populaire moyennant bien sûr de l'argent. Le recours à ce type de mobilisation a été décidé pour pallier le manque d'activités du mouvement associatif, pratiquement inexistant à Mascara. 10h05. Le cortège présidentiel arrive dans l'artère principale de Sig. Le protocole du Président est en effervescence. Ses membres contrôlent les moindres allers et venues des journalistes. Afin de les contenir totalement, ils ont dressé un cordon séparant le cortège présidentiel de la presse. Le directeur du protocole au niveau de la présidence, M. Maârif, donne des instructions fermes à cet effet. “Il ne faut pas que les journalistes s'approchent du Président”. Dès lors, toute tentative des confrères de prendre connaissance de l'échange de propos entre le chef de l'Etat et la population devenait vaine. M. Maârif s'adresse, par moment, directement à la presse lorsque les journalistes se font insistants. “Reculez ! Reculez !”, criait-il. Impossible donc de s'approcher du Président. Quant à Saïd Bouteflika, le tout-puissant frère-conseiller du Président, il était beaucoup plus mêlé à la presse qu'au cortège présidentiel. Sa présence à proximité des journalistes permettait quelquefois à ces derniers d'accéder facilement, grâce à lui, au cortège présidentiel. À chaque fois qu'un journaliste se plaignait de la difficulté de recueillir les propos du Président, Saïd Bouteflika se faisait avenant : “Venez, venez avec moi, c'est possible ! vous pouvez accéder au cortège”. Après une halte à la daïra de Sig, le président Bouteflika se dirige vers la seconde étape de la visite : il s'agit d'un deuxième bain de foule à Mascara-ville. Certes, la population a été au rendez-vous dans les principales artères de la ville, mais il n'en demeure pas moins qu'elle était constituée, en majorité encore une fois, d'enfants. L'accueil du Président a été chaleureux : des troupes de cavaliers, leurs montures, ornées de bijoux, des groupes pédestres munis de fusils à la façon des canonniers de guerre et des danses folkloriques animées dans plusieurs endroits sur l'itinéraire présidentiel. Il était 11 heures. Mais voilà que cette ambiance de fête est interrompue par une paire de savates qui atterrit sur le cortège présidentiel. Quelques minutes plus tard, on assistera à un jet de pierres sur le Président. Dans la cacophonie générale et les bruits de tambours, rares étaient, en fait, ceux qui y prêteront attention. Mais les journalistes, eux, ont tout vu. Ces derniers, présents en grand nombre à l'occasion de ce voyage présidentiel, commenteront alors, entre eux, les jets de pierres. Plus tard, plus précisément devant la poste de Mascara, ce sont deux bouteilles d'eau minérale vides qui atterriront sur le cortège. On apprendra, plus tard, de sources parlementaires, que des personnes, identifiées comme étant les auteurs des jets de pierres ont été interpellées par les services de sécurité. Cette information n'a pu être confirmée par les services de la wilaya. La troisième étape de la visite présidentielle a été l'inauguration du Palais des congrès de la wilaya. À quelques mètres de là, le président Bouteflika a procédé à la pose de la première pierre du musée El-Moudjahid. À cette occasion, les regards de la presse étaient tous braqués dans une seule direction : celle du ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Saïd Barkat, qui était bien entouré. Il était, en effet, avec Saïd Bouteflika, Miloud Chorfi, le porte-parole du RND, de Boudali Benyahia, coordinateur des comités de soutien au Président, et de M. Benfreha, un entrepreneur connu pour être “une personne très influente” dans la région. Mais sur quoi portait la discussion de ce groupe ? Renseignement pris, ça discutait FLN. Saïd Barkat aurait dit, en substance, à Saïd Bouteflika qu'“il y a des milliers de recours au niveau du FLN”, allusion faite au nombre de militants de ce parti qui contestent le VIIIe congrès. Il faut dire, par ailleurs, que durant son périple mascaréen, le Président n'a fait aucune déclaration notable. Mais les banderoles exhibées, à l'occasion de la visite, trahissent l'objectif de cette dernière : on pouvait lire notamment : “Bouteflika : pour un second mandat qui permettrait à l'Algérie la stabilité” et “Je ne veux pas être un trois quarts de Président et je ne veux pas être mis devant le fait accompli”. N. M.