Cloîtrés entre quatre murs, les étudiants ont décidé de suivre les consignes de l'ambassade d'Algérie au Caire et limiter leurs déplacements au maximum. C'est la seule façon d'échapper à la vindicte des Egyptiens. De nos jours, il n'est pas très recommandé de dévoiler son identité lorsqu'on est algérien résidant en Egypte. Cela fait plus de dix jours qu'une campagne médiatique irréfléchie contre l'Algérie a créé une atmosphère intenable pour nos concitoyens établis au pays des pharaons. Des étudiants, des intellectuels ainsi que de simples familles qui ont choisi de vivre aux bords du Nil se retrouvent aujourd'hui menacés, harcelés et demandent un rapatriement pour certains. Alors que d'autres réclament au gouvernement algérien une intervention pour les sécuriser. Des vols de la compagnie nationale arrivent du Caire avec, à bord, des résidents algériens affolés, humiliés, voire même blessés. Mercredi dernier, deux étudiants algériens ont été blessés au Caire à l'arme blanche avant d'être rapatriés, tandis qu'un collectif d'universitaires a choisi d'adresser un courrier au gouvernement — une copie a été envoyée à plusieurs rédactions — lui demandant d'intervenir pour faire cesser cette haine contre l'Algérien. Contactés par téléphone, ces derniers ont accepté de témoigner et de nous faire part de leur calvaire au quotidien. La plupart de ces étudiants sont établis dans la ville d'Alexandrie. D'une voix tremblante, Samir, étudiant à la faculté de commerce, nous dira d'emblée. “Cette fois-ci, les Egyptiens sont allés trop loin avec nous. Menaces de meurtre, harcèlement, agression et racisme, voilà à quoi nous sommes confrontés au quotidien. Nous ne savons plus quoi faire, nous sommes terrorisés”. Colocataire avec trois de ses camarades, ils partagent le loyer d'un appartement dans le quartier populaire de Sidi El-Bachir, à Alexandrie. La gorge nouée, son copain Mohamed nous dira que “la peur nous ronge de jour comme de nuit et on s'attend à être agressés à n'importe quel moment. Pour l'instant, on reçoit des textos de menaces de mort, mais nous savons qu'ils vont bientôt passer à la vitesse supérieure, à l'instar de nos camarades du Caire. Certains de nos amis sont rentrés la semaine dernière au pays suite à leur agression. Un groupe d'étudiants a tenté d'envahir leur maison à 3h du matin, n'ayant pas réussi, ils ont brûlé tout le linge qu'ils ont trouvé sur leurs balcons. Alors que d'autres ont été tabassés dans le transport public”. Cloîtrés entre quatre murs, ces étudiants ont décidé de suivre les consignes de l'ambassade d'Algérie au Caire et limiter leurs déplacements au maximum. “Nous sommes des étudiants venus dans le cadre d'une coopération inter-universitaire et nous sommes bloqués dans nos apparentements de peur de subir des agressions. Le racisme dans ce pays a pris des proportions inimaginables, même au niveau de nos facultés, nos dossiers sont bloqués et avec une décision de nous suspendre jusqu'à nouvel ordre. Nous n'avons pas droit d'accéder à nos universités ni d'assister aux cours. D'ailleurs, nous ne pouvons même pas sortir faire nos courses car les commerçants refusent de nous vendre quoi que ce soit et les banques s'y mettent aussi. Les guichetiers refusent même de traiter nos chèques lorsqu'on dévoile notre identité. Insultes, humiliations et agressions physiques sont notre lot au quotidien”, raconte Ahmed. Il précise que pour le moindre achat, il préfère envoyer le portier tout en lui offrant un “bakchich”. Le collectif d'étudiants d'Alexandrie demande au gouvernement algérien d'intervenir et de leur assurer la sécurité le temps de soutenir leur thèse. Ils souhaitent également, que le ministre de l'Enseignement supérieur interpelle son homologue du Caire pour normaliser leur situation au sein des universités. Selon eux, quels que soient leur rang et leur niveau intellectuel, les Egyptiens se comportent de manière haineuse contre les Algériens. “Cela fait une année que je vis au Caire et je n'ai jamais été traitée de cette manière. La propriétaire de mon appartement a décidé d'augmenter mon loyer la semaine dernière alors que mon contrat n'a pas encore expiré. Elle m'a même menacée d'alerter le quartier si je refuse de payer la différence. Le soir même j'ai dû déménager chez des amies syriennes qui ont accepté de m'héberger le temps de trouver un vol sur Air Algérie”, témoigne Soraya, étudiante à la faculté de droit, au Caire. Elle précise que l'accès à l'agence Air Algérie au Caire est devenu presque impossible. “J'ai chargé mon père de m'acheter le billet d'avion électronique d'Alger afin que je le retire au niveau de l'aéroport du Caire, car je ne prendrai pas le risque d'entrer à l'agence de la compagnie nationale, sachant que je serai agressée à la sortie comme ce fut le cas pour deux de mes camarades de promotion. Je n'ai jamais vu autant de haine pour une partie de football !”, s'indigne-t-elle. D'Alexandrie au Caire, les témoignages des étudiants se ressemblent tous. Leur quotidien se résume aux menaces de mort, aux insultes et aux interdictions d'accès à certains lieux publics. Nos concitoyens résidant en Egypte auront du mal à effacer de leur mémoire cette escalade contre l'Algérie.