La deuxième journée du colloque international portant sur “l'Anthropologie et la musique : poésie et préservation du patrimoine musical”, a été marquée par les interventions de plusieurs chercheurs dans le domaine de la poésie et de la musique. Dans sa communication fort intéressante, l'universitaire finlandaise Helena Tyrvainen a choisi comme objet d'étude les œuvres du compositeur d'opéra finlandais Armas Launis. Ce dernier a plusieurs fois visité les pays du Maghreb et a même rencontré le maître incontestable du théâtre algérien et du chant également, Mahieddine Bachtarzi. Armas Launis a passé deux hivers à Alger, a visité Biskra, la région du Sahara et le Maroc ; et sa musique a été à jamais influencée et portée par ces innombrables expéditions maghrébines. Helena Tyrvainen s'est surtout intéressée au dernier opéra de Armas Launis, intitulé Jéhudith, et qui montre une grande influence de ses voyages sur son œuvre. Joignant la théorie à la pratique, Mme Tyrvainen a fait écouter l'assistance d'un extrait de cet opéra, largement inspiré de la musique arabo-andalouse. De son côté, la journaliste et chercheuse syrienne, Heba Turjman, a évoqué la relation historique entre la musique et la poésie arabe et son harmonie dans la région du Maghreb. Elle a surtout affirmé que la poésie arabe s'est développée et a trouvé son rythme grâce à la musique, citant ainsi l'exemple du célèbre poète arabe Ennabigha Edhoubiyani, à qui l'on chantait les poèmes pour qu'il puisse corriger le rythme. De plus, il existe un lien très fort et très important entre la langue arabe et la musique. Et le Maghreb a su exploiter ces différents aspects pour développer ses musiques. Pour sa part, l'universitaire algérienne Dahbia Aït Kadi, de l'université de Tizi Ouzou, s'est intéressée au “tibougharine” : des poèmes déclamés par quatre femmes qui se divisent en deux groupes et qui déclament en présence de femmes et d'hommes. Le “tibougharine” est généralement présenté dans le cadre de fêtes comme la circoncision ou encore le mariage. L'assistance peut accompagner ces chants par des youyous durant les pauses. En outre, ces femmes célèbrent et chantent l'homme et sa gloire, dans la majorité des cas. Pour sa part, Zahia Teraha s'est intéressée à “achouiq” : des chants folkloriques qui relatent l'absence et la perte. Les femmes le répètent quand elles sont anxieuses, lorsqu'elles travaillent et lors de visites aux mausolées des saints. Les textes font toujours référence aux saints vénérés, même si les régions sont différentes, les chants sont quasi les mêmes, car il y a les mêmes codes, les mêmes images et les mêmes paraboles. L'air musical varie d'une région à une autre, et même d'une époque à une autre. En fait, c'est selon l'humeur de la “conteuse”. Cet exposé exhaustif a été accompagné par des exemples concerts : les voix des femmes de la région d'Ath Ouacifs. Ces chants d'ici ressemblent aux chants d'ailleurs. En effet, l'“achouiq” ressemble quelque peu aux chants d'appel. C'est donc une excellente initiative prise par le Centre national de recherches préhistorique, anthropologique et historique (organisateur de l'évènement), que de s'intéresser au patrimoine musical qui nous permet de voir la richesse du nôtre et l'influence des sons qui sont dans le monde sur nous. Confronter son expérience à celle de l'autre permet aussi la revalorisation de son propre patrimoine et sa richesse. Plus qu'un jour pour en discuter et toute l'éternité pour le reconsidérer et se le réapproprier.