Un documentaire qui ne va pas au bout de son propos, mais qui montre la lucidité de Slim et son incontestable talent, avec un clin d'œil à une génération qui a fait de la satire et la critique un mode de pensée. L'année 2009 a été incontestablement l'année de Slim. Le Festival international de la bande dessinée d'Alger lui a rendu un vibrant hommage lors de sa deuxième édition avec une grande exposition qui résume “40 ans de bouzidisme” ; de leur côté, les éditions Dalimen ont immortalisé le bédéiste à travers Slim, le Gatt et moi : un ouvrage (de collection) bien documenté, signé Omar Zelig, qui a réussi, tout en pudeur et retenue, à se saisir du personnage de Slim et de ce qu'il y au-delà. À son tour, l'auteur et cinéaste, Djilali Biskri a filmé le sourire intelligent, pétillant et espiègle de Slim, avec un documentaire de 30 minutes, qui revient sur sa longue et sinueuse carrière, durant laquelle l'échec et le succès se sont chevauchés. Dans son docu coproduit par le Fibda et sa société Dynamic Art, projeté samedi dernier à la salle Ibn Zeydoun, Djilali Biskri dresse le portrait de Slim, ce personnage emblématique de la bande dessinée algérienne, rebelle et infatigable créateur, qui n'a jamais renoncé ou cédé face à l'adversité. D'ailleurs, sa carrière s'est confondue avec l'histoire de son pays, à tel point que durant le chaos caractéristique des années 1990, Slim n'a pas produit. Mais contrairement à son pays qui tente d'aller vers la modernité, Slim a fait le grand saut dans la modernité avec le passage au dessin par ordinateur, ce qui laisse parfois perplexes certains conservateurs. Il a donc une longueur d'avance sur sa muse qui lui a pourtant inspiré ses trois personnages phares et modèle de l'Algérien des années 1970/80 : Bouzid el Besbassi, le blédard candide, Zina, la belle féministe en haïk, et el Gatt lemdigouti, largement représentatif de l'état d'esprit de l'époque : “le digoutage”, qu'on pourrait traduire approximativement par le dégoût, l'inertie ou encore un état de suffocation. Les personnages archétypaux de Slim ont fait rire l'Algérien de l'époque (et font rire aujourd'hui encore) de ses malheurs, tout en lui donnant matière à réfléchir. Les gens ordinaires ont compris que c'était à eux de faire les changements qu'ils voulaient pour ce monde. Pour cela, Slim a exercé dans la presse, notamment au quotidien El Moudjahid ou encore au journal satirique El Menchar, qui a réellement représenté une tribune de choix pour donner libre court au crayon et à l'imagination. Que du bonheur ! Connaissez-vous Slim ? Dans ce docu, Slim témoigne, se raconte, se confie et révèle son petit jardin secret. Les masques tombent et Slim, nu face à son spectateur, raconte ses expériences dans la presse, son œuvre, ses amis qui ont été arrachés à la vie, ses innombrables fonctions et l'état actuel de la bande dessinée en Algérie. Le film de Djilali Biskri commence par un micro-trottoir réalisé au niveau de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger. L'informateur pose une question somme toute banale : Connaissez-vous Slim ? Les réponses sont très colorées, et c'est le moins que l'on puisse dire : “C'est une découpe de pantalon”, “c'est un mot anglais qui signifie mince”… Heureusement qu'une des personnes interrogées a sauvé l'honneur en reconnaissant le nom de ce bédéiste, et même ses personnages. Outre l'intervention de Slim, le dessinateur de presse, Hic, a été interrogé sur son rapport à Slim. Le réalisateur et auteur de ce docu, nous expliquera plus tard que le Hic est le représentant d'une deuxième génération, née de la conjoncture, du contexte, qui a commencé par la caricature et qui essaie aujourd'hui d'aller vers la BD, ce qui va à contre-courant de Slim et de sa génération. Mais en visionnant le film, cette nuance n'est pas très évidente et le spectateur aurait été plus captivé avec des témoignages de plusieurs autres personnes, car le commentaire a produit de la lenteur. Et comme le film a été écrit, monté et réalisé en un temps record, un mois, il laisse le spectateur sur sa faim, comme sur un goût d'inachevé. Beaucoup de non-dits, beaucoup de retenue, beaucoup d'impasses et de sens interdits. Par contre, Slim a eu le mérite de revenir sur un parcours, avec le recul exemplaire qui a épousé à une étape, la cause d'une nation en devenir. À présent, la création a dépassé le créateur.