L'Algérie dans tous ses états et ses éclats, revue par le crayon de Slim, qui propose, dans son tout nouvel album, de regarder, de manière tendre et critique, un pays bourré de contradictions et de paradoxes. Toujours avec humour ! “Slim, c'était notre guide et notre éveilleur de conscience. Le regard qu'il portait sur notre société et nos mœurs, nos serments et nos défections, nos petites et grandes lâchetés était constamment lucide, tendre malgré un traitement socioculturel sans concessions”, écrit Yasmina Khadra dans la préface de l'album de caricatures, l'Algérie comme si vous y étiez, du “revenant” Slim. Le créateur de Bouzid et Zina revient, en effet, en force avec la publication de cet album qui a pour théâtre l'Algérie. Sans concessions, Slim présente une terre de contradictions. Un pays où la “trizophrénie” prend le dessus sur tout, étant donné qu'il y a toujours un décalage entre ce que pense l'Algérien, ce qu'il dit et ce qu'il fait. Plusieurs dessins agrémentent cet album, et l'auteur décortique la réalité, avec humour et dérision certes, mais également avec une certaine virulence. Car il nous fait rire de nos échecs, de nos contradictions, de notre lâcheté parfois, et de nos faiblesses. Slim scrute le réel, le façonne et le transforme en une œuvre artistique, touchante et, parfois, même douloureuse. `Slim s'intéresse à l'actualité et aux choses qui tourmentent l'Algérien. De la politique au social en passant par le sport, le caricaturiste décortique une société où tout est normalisé, avec des individus désaxés et singuliers. Avec son talent qui n'a pris aucune ride, Slim reprend les grands thèmes qui font l'actualité en Algérie et leur donne un aspect décalé, voire humoristique (même si la politique ne fait pas rire !), notamment l'affaire Khalifa Bank, la polémique sur les faux moudjahidine, les exportations, le code de la route, l'émigration clandestine, les rapports entre l'Algérie et le reste du monde, la crise du nucléaire et la crise financière. Le dessinateur reprend tout ce qui tourmente ses compatriotes, tout ce qui le bouleverse. Il interprète la réalité à sa manière, mais avec un regard critique et tendre à la fois. Il y a toutefois du désenchantement dans son œuvre, mais comment le lui reprocher, lui qui a connu quasiment toutes les situations et tous les états de l'Algérie indépendante. Dans l'Algérie comme si vous y étiez, il n'y a plus de Bouzid et Zina. Il n'y a pas non plus de Gatt Mdigouti, mais il y a des individus étonnants qui font cette Algérie d'aujourd'hui. Si on arrive à dépasser leur nonchalance et leur bêtise parfois, on s'aperçoit qu'ils ne sont que des victimes d'un dérèglement qui a fini par atteindre le monde entier. Slim nous confronte à nos faiblesses et à nos échecs, et nous montre avec lucidité la propagation du virus de la normalité, qui a fini par atteindre le pays tout entier. Pourquoi être normal lorsqu'on a la possibilité d'être exceptionnel, avec un glorieux passé et un avenir des plus prometteurs ? C'est ainsi que semble s'interroger Slim dans son album passionnant, publié dans une très bonne édition, à compte d'auteur. La question demeure en suspens, et on attend la suite. L'Algérie comme si vous y étiez, de Slim, album de caricatures, 88 pages, publié à compte d'auteur, Algérie, janvier 2010, 950 DA.