Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, vient de poser une nouvelle condition pour la conclusion d'un accord stratégique entre l'Algérie et l'Union européenne. Pour lui, l'Algérie s'engage à assurer l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel à condition que le Vieux continent assure la libre circulation des citoyens algériens en Europe. Dans une déclaration à la Radio nationale, Chakib Khelil a affirmé que l'Algérie conditionne la signature de l'accord stratégique sur l'énergie avec l'Europe. “Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Alors pourquoi nous signerions un accord avec l'UE si cet accord ne s'applique pas à chacun des pays membres ? Pour le moment, les discussions sont en cours.” Pour le ministre de l'Energie, l'Algérie n'est pas obligée de signer cet accord et ne le fera pas à n'importe quel prix. “Qu'est-ce qu'on obtiendrait en retour de la signature de cet accord stratégique dans lequel nous nous engageons à assurer l'approvisionnement et la sécurité énergétique de l'Europe ? Il y a donc d'autres conditions. L'Algérie demande la libre circulation des personnes entre le pays et l'Europe. C'est un élément important. Il ne s'agit pas de vendre uniquement le gaz. Il est possible de vendre ce gaz aux Etats-Unis également.” Une façon de rappeler que le gaz algérien est demandé partout et, de ce fait, l'Algérie n'est pas tenue de s'engager durablement avec des clients, sans qu'elle n'en tire profit. Parmi ces contreparties, l'Algérie entend bénéficier d'un transfert de technologie de la part des Européens, mais surtout d'une ouverture du marché européen de l'énergie au partenaire algérien. “Nous avons eu beaucoup de problèmes pour commercialiser notre gaz en Europe. Il n'est pas évident que, demain, lorsque nous voudrons exporter de l'électricité, nous ayons un accès facile au marché européen. Cette question se pose pour les grands projets d'exportation de l'électricité solaire.” Chakib Khelil citera l'exemple des taxes imposées par les Européens aux engrais algériens. Tout en reconnaissant que “l'Europe défend ses intérêts”, il dira : “Nous, aussi, nous défendons nos intérêts.” Evoquant le sujet de l'heure, le Sommet de Copenhague, le ministre de l'Energie et des Mines a fustigé une nouvelle fois la taxe carbone que les Européens voudraient imposer aux pays producteurs de pétrole. Cette taxe devrait coûter aux pays producteurs, d'ici 2050, quelque 3 000 milliards de dollars, selon le ministre. “La taxe carbone aura des implications à long terme sur les revenus des pays pétroliers puisqu'il y aura diminution de la demande sur ces produits qui vont coûter plus cher. Aussi, les consommateurs seront amenés à chercher d'autres sources d'énergie comme le nucléaire ou le solaire”, dira Chakib Khelil, qui s'est interrogé sur l'inexistence d'une taxe charbon. Tout en rappelant que les pays européens imposent déjà des taxes très importantes sur les produits pétroliers, pouvant atteindre les 80% en Angleterre, Chakib Khelil dira que “la taxe carbone s'applique au pétrole et au gaz et pas au charbon, alors que le charbon est plus polluant. Donc, la taxe carbone est discriminatoire. Elle va à l'encontre des intérêts des pays producteurs de pétrole. Elle profite aux pays développés qui, eux, sont des producteurs de charbon, en Europe en particulier.” En outre, le ministre fera remarquer que les pays européens seront les grands bénéficiaires de cette pression fiscale sur les producteurs de pétrole, dans la mesure où ils sont en train de réorienter leur industrie vers les équipements spécifiques à l'énergie verte et font pression sur les pays du Sud pour changer de stratégie en optant pour les énergies renouvelables. Une façon, pour les Européens, de relancer leur économie et de trouver des débouchés sur le dos des pays du Sud. D'ailleurs, l'Algérie est en train de mener une véritable fronde des pays du Sud au Sommet de Copenhague, au point où, lundi dernier, toutes les délégations africaines avaient quitté le sommet pour protester contre le forcing américain d'enterrer le protocole de Kyoto et de le remplacer par un nouveau protocole beaucoup plus contraignant pour les pays en développement. La fronde est également menée au sein de l'Opep où la décision de rejeter fermement la taxe carbone, lors du Sommet de Copenhague, a été clairement exprimée. L'activisme mené par l'Algérie suscite même l'admiration du ministre français de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, qui a salué hier à Copenhague la position algérienne relative à la question des changements climatiques, affirmant que son homologue algérien, Chérif Rahmani, coordonne l'action des ministres africains de “fort belle manière”. L'arrivée, mercredi, du président Abdelaziz Bouteflika à la capitale danoise devrait donner encore plus de tonus à la position africaine dans la bataille de Copenhague.