Si pour leur consommation, c'est insuffisant, vendre de l'huile, c'est de l'impossible. Ainsi, les Kabyles pourtant connus pour être les producteurs de ce produit vont eux aussi se rabattre sur l'huile de table. À l'instar de nombreuses localités du sud de la wilaya de Tizi Ouzou, de Maâtkas en passant par Amechras ou encore Iwadhiyen (les Ouadhias) jusqu'à Draâ El-Mizan, la cueillette des olives a été lancée à la mi-novembre, mais n'a pris que quelques jours. Car, cette année, les oliviers n'ont presque rien donné. Les gaules et les bâches déployées pour la circonstance ont été déjà rangées dans les hangars en attendant une année prochaine plus prolifique. Les oléiculteurs qualifient la récolte des plus maigres de ces dix dernières années. Dans les villages de la région, l'ambiance dominante cette saison a vite cédé place à la morosité. Rares les fois où l'on a eu la chance de voir un petit mouvement d'enfants, de femmes, de jeunes filles revenir des oliveraies. “C'est la saison des vaches maigres”, nous a dit un oléiculteur de la région d'Ichoukrène où la plupart des oliviers étaient partis en fumée durant l'été 2008. “Les quelques oliviers épargnés par les flammes n'ont presque rien donné. Qui parmi les oléiculteurs de la région se vanterait d'avoir récolté quelques sacs ? À ma connaissance, personne. Le meilleur d'entre nous n'a que quelques kilos. En termes de litres d'huile, cinq, voire trente litres par oléiculteur”, nous a expliqué notre interlocuteur. D'ailleurs, même ceux qui par le passé remplissaient jusqu'à deux et trois fûts de deux cents litres chacun n'ont pas de quoi assaisonner leurs plats préférés. Si pour leur consommation, c'est insuffisant, vendre de l'huile, c'est de l'impossible. Ainsi, les Kabyles pourtant connus pour être les producteurs de ce produit vont eux aussi se rabattre sur l'huile de table. “Nous allons nous contenter de l'huile de l'an dernier. Même si elle a perdu un peu de son goût, elle garde tout de même ses vertus thérapeutiques”, a souligné un sexagénaire de Frikat. Si les oléiculteurs sont déçus, les propriétaires des huileries aussi bien traditionnelles que modernes n'attendent rien de cette saison. D'ailleurs, nombreux ceux qui ont préféré mettre la clé sous le paillasson. “Je ne peux tout de même pas mettre en marche les machines quand je sais que seule une centaine de quintaux seront broyés”, nous a expliqué à ce sujet le propriétaire d'une huilerie à Tafoughalt. À Aït Yahia Moussa, l'une des deux huileries du chef-lieu a ouvert ses portes. “C'est un devoir pour moi de recevoir les olives par respect à mes clients. Où vont-ils aller ? C'est sûr, c'est très faible comme récolte, mais il faut quand même rendre service aux oléiculteurs. Quotidiennement, je reçois quelques quintaux. Je vous dirai une chose : même si c'est peu, le rendement à l'hectare est acceptable. Jusqu'à vingt-cinq litres au quintal”, dit ce propriétaire. Une autre huilerie a ouvert ses portes à Aïn Zaouia, mais à ce niveau, c'est le même constat. Il n'y a pas vraiment une grande bousculade. L'oléiculteur qui se présente avec quelques sacs d'olives n'a pas à attendre ou à s'inscrire sur une liste. Les autres personnes qui sont déçues sont indubitablement les ouvriers saisonniers embauchés dans ces huileries. “L'an dernier, par exemple, j'ai engagé plus d'une dizaine de travailleurs durant toute la saison. Aujourd'hui, ils ne sont que trois. Et puis, c'est juste pour quelques jours”, a souligné le même propriétaire. LE PRIX DE L'HUILE D'OLIVE FLAMBE Comme le rendement est faible, c'est la flambée des prix de ce produit. Interrogé sur le prix du litre d'huile de saison, les oléiculteurs nous ont fait savoir qu'il était cédé à cinq cent dinars. “Il n'y a pas de quantité à vendre. Le meilleur d'entre eux garde ses litres pour sa propre consommation. Depuis que j'ai ouvert l'huilerie, seuls quelques litres ont été vendus”, a répondu le propriétaire d'une huilerie de la région. Pour le moment, les amateurs de ce produit aux mille remèdes se contenteraient dans le cas échéant de l'huile de l'an dernier. “Avec l'abondance du produit la saison dernière, j'ai pu stocker quelques hectolitres. Actuellement, je le vends à quatre cents dinars le litre. L'huile a été bien conservée et n'a rien perdu”, nous a confié un oléiculteur de Frikat. D'ailleurs, a-t-il ajouté, la demande a été forte. Da Meziane nous a avoué qu'il n'a jamais triché car, pour lui, ajouter l'huile de table à l'huile d'olive est péché. “Nous souhaitons que la saison prochaine sera plus prospère !”