Rencontré lors de la deuxième édition d'Alger Jazz Meeting, où il a été une révélation pour le public algérois, le musicien nous livre, dans cet entretien, ses impressions, son vécu. Un parcours court, mais très riche en expérience et en rencontres. Liberté : On qualifie votre musique de fusion. Qu'en est-il réellement ? Fayçal Salhi : Oui, c'est une fusion entre le jazz et la musique d'Orient. Ce qu'on essaye de faire avec les membres du groupe, c'est que chaque musicien apporte aux autres ce qu'il est, son âme, sa culture, son envie des autres et de communiquer autour de cela, un ensemble commun, une musique commune. Vos influences jazz ? Rabie Abu Khalil, Thierry Robin, Anouar Brahim… Mais Rabie Abu Khalil est celui qui m'a le plus influencé. Je pense que c'est un des tout premiers à avoir fait de la fusion entre jazz et musique d'Orient. C'est quelqu'un dont je respecte énormément le travail, et, forcément, c'est un modèle pour moi. De plus, j'ai eu la chance de le voir plusieurs fois en concert. Vous avez composé la musique du film la Maison Jaune, d'Amor Hakkar. Comment cela s'est-il passé ? C'est une très jolie histoire. En fait, on est originaire de Khenchela, où le film a été tourné. On ne se connaissait pas, et c'est la productrice de l'époque qui avait entendu parler de moi. Elle lui avait soumis l'idée de me contacter pour faire partie de la bande originale du film. On s'est rencontré. Ce fut une rencontre magique, parce que c'est quelqu'un qui porte en lui un message d'amour, de transmission et ça se voyait dans ses yeux. On a donné le maximum. Je suis heureux car dans le film figurent certaines de mes compositions. À vos débuts, vous jouiez de la guitare. En passant au luth, ne trouvez-vous pas que c'est radical ? Il y aurait pu avoir plus radical, parce que le luth c'est un instrument noble. En fait, c'est la même famille d'instruments, car l'origine de la guitare c'est le luth. Moi aussi je suis passé par la musique flamenco avant d'arriver à la musique orientale et au jazz. En fait, ce qui est beau, c'est que ce sont des musiques qui se ressemblent, qui sont proches les unes des autres, qui se sont côtoyées, qui se côtoient et qui s'influencent les unes les autres aussi encore aujourd'hui. Et c'est cela que je trouve beau, c'est d'aller à la rencontre des autres et que les autres soient dans cette optique-là. Cela ne veut pas dire taire les antagonismes, mais les voir d'une manière pacifique. Votre musique tourne autour de la fusion. Est-ce le cas pour le groupe ? Bien sûr, Vladimir est Sud-américain, Christophe est Italien, puis il y a deux Français. Et ce métissage du groupe est complètement par hasard, si toutefois il y a du hasard dans la vie. Je sais que pour Vladimir et Etienne, il y a une longue et profonde amitié antérieure à l'exercice de la musique en commun. On est uni aussi par la musique. Quand on a commencé à jouer ensemble, ils étaient déjà des professionnels, ils m'ont fait découvrir des univers musicaux différents. Je sais qu'aujourd'hui je leur dois beaucoup. On constate que l'improvisation est beaucoup présente dans le jazz… En fait, la musique jazz est construite comme ça. Pour moi, l'improvisation fait partie de l'identité de cette musique. Le jazz n'est pas lié à une technique de jeu, ni à une théorie de la musique, de toute façon, je ne connais aucune théorie de la musique, parce que je ne la lis pas, donc je ne l'écris pas et je ne l'intellectualise pas. Et j'ai la chance de rencontrer des personnes qui travaillent de cette manière même si eux connaissent la musique et peuvent la théoriser, l'expliquer et l'écrire… La question de profondeur est due, en toute modestie, au vécu commun et à la manière commune d'appréhender cette musique. A. I.