Le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) se confirme de jour en jour. Seulement 1 000 personnes du personnel de santé sont vaccinées. Ce qui représente 0,5% sur l'ensemble de l'effectif. Aucune femme enceinte, sur les 650 000 attendues, n'a consenti, jusqu'alors, à passer à l'acte. Le ministère a annoncé que 9 millions de doses de vaccin seront données à l'OMS, dans le cas où la tendance au boycott se poursuit. Dix jours après son lancement par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) confirme la tendance du fiasco. 0,5% du personnel médical et paramédical et autres auxiliaires des structures sanitaires (CHU, EHS, EPSP…), estimé à quelque 200 000 membres sur l'ensemble du territoire national, ont consenti à tendre le bras pour se faire inoculer le vaccin contre la grippe A. Ce qui représente 1 000 personnes seulement, selon le bilan arrêté jeudi soir par le ministère de tutelle. En réalité, très peu de médecins ou paramédicaux se sont fait vacciner. Les doses d'Arepanrix ont été surtout utilisées sur des agents d'entretien, comme le disent de nombreux praticiens approchés pour témoignage. De wilaya en wilaya et de centre de santé en centre de santé, la désertion des unités de vaccination se duplique, les mêmes arguments de refus sont avancés. Sur les 1 500 personnes (toutes fonctions confondues), exerçant au CHU Mustapha, uniquement 35 noms sont portés sur le registre de vaccination. À l'hôpital Parnet, 25 agents, sur un effectif d'environ 400 salariés, se sont fait vacciner. Schéma identique dans les autres centres de santé, hospitalo-universitaires ou de proximité. “Le ministère de la Santé est responsable de cette situation. Au lieu de se montrer honnête sur l'innocuité du vaccin, il a péché par une communication hasardeuse”, avance un professeur en médecine. Un autre de ses confrères estime que le fait de limoger le directeur général de l'Institut Pasteur Algérie et de mettre dans le collimateur la directrice du laboratoire de contrôle rattaché à cet organisme a rompu la confiance vis-à-vis de la tutelle. Dès lors, “il n'était plus question de se faire vacciner par un produit sur lequel le doute plane”, affirme-t-il. Pour l'anecdote, des médecins et infirmiers, chargés d'officier l'opération de vaccination dans certains centres d'Alger, n'ont nullement souhaité donner l'exemple et se faire inoculer le produit fabriqué par le laboratoire pharmaceutique GSK, ni ont voulu trop s'impliquer dans le processus en le conseillant aux autres. Sans concertation aucune, le personnel médical a observé la même attitude à travers toute l'Algérie. Le refus de ce corps de se faire vacciner contre la grippe A(H1N1), alors qu'il était quasiment unanime à s'immuniser contre la grippe saisonnière, a sonné le glas d'une campagne de vaccination qui a tardé au demeurant à démarrer. Les femmes enceintes, classées en seconde place des catégories à risque à vacciner en priorité, ont conforté largement la tendance de l'échec de l'opération. Presque une semaine après le début de la campagne sur cette population, aucune future maman, sur les 650 000 attendues car présentant une grossesse âgée de plus de 20 semaines, n'est passée à l'acte. Les registres restent tristement vierges et les salles réservées à la vaccination vides. Mardi dernier, une foule de femmes au ventre rebondi patientaient dans le hall du service de gynécologie obstétrique du CHU Parnet. On pensait, de prime abord, que chacune attendait son tour pour se faire vacciner contre la grippe A, révélée particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes. Erreur. Les patientes sont venues pour une simple consultation de routine. Une sage-femme nous confirme qu'aucune d'entre elles n'a franchi le seuil des deux salles, réservées par la direction dans le pavillon de huit portes à la vaccination contre la grippe A. L'une a été aménagée pour l'interrogatoire de la femme enceinte puis la vaccination, et l'autre, où deux lits ont été préparés, devait servir pour la période d'observance d'éventuels effets secondaires pendant au moins trente minutes. La patiente devait remplir la partie supérieure de la fiche de renseignements par des informations usuelles (nom et prénom, âge, adresse…), tandis que le médecin avait pour tâche de compléter par l'âge de la grossesse et des annotations relatives à l'état général de la femme enceinte. Il n'en demeure pas moins que l'équipe affectée à cette tâche a chômé pendant toute la journée de mardi, et les jours suivants, semble-t-il. À l'hôpital de Bologhine, une sage-femme nous a certifié que le personnel de la maternité a fait le tour du service pour sensibiliser les femmes enceintes hospitalisées sur l'intérêt de la vaccination. Sans résultats probants. Conscientes que le vaccin contre la grippe A, notamment celui avec adjuvant, n'est peut-être pas sans effets indésirables sur leur santé et sur le développement du fœtus qu'elles portent, ces femmes-là n'ont pas voulu prendre un risque qu'elles jugent beaucoup plus grand que celui de contracter le virus A(H1N1). La contamination de 42 futures mères sur les 746 cas confirmés en Algérie et le décès de 12 d'entre elles des suites de détresse respiratoire provoquée par la grippe A n'ont pas transcendé la suspicion à l'égard d'un vaccin dont l'innocuité n'est pas totalement prouvée. Le passage à la vaccination des nourrissons de moins de six mois et leur entourage immédiats, ainsi que les enfants, les jeunes adultes âgés de moins de 24 ans et les malades chroniques, ne connaîtra certainement pas un meilleur accueil. Il est tout aussi évident que le succès ne sera pas au rendez-vous lors du lancement de la campagne de vaccination en direction de la large population. Le ministère de tutelle devra déjà réfléchir à la manière d'amortir les contrecoups d'un fiasco, dont la charge financière se chiffre en milliards de dinars. À ce propos, le chargé de la communication du département de Saïd Barkat a révélé que dans le cas où les Algériens continueront à refuser de se faire vacciner contre la grippe A, 9 millions de doses, sur les 20 millions commandées au laboratoire britannique GSK, seraient données à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le reste atteindra certainement sa date de péremption (une année au plus) sans être utilisé.