Cette Caisse a toujours été un foyer d'effervescence où se confrontent des forces contraires. De multiples scandales ont souvent secoué cet organisme dont certains responsables se sont distingués par une gabegie et une propension à se servir du dépôt sacré que représentent les cotisations des salariés comme si c'était leur propre bien. En effet, un ex-directeur, s'est tout particulièrement illustré par ses frasques, notamment par l'imposante résidence qu'il s'est fait construire et par les maints scandales dont il s'est toujours tiré comme par miracle. Il avait, en fait, joui d'une incroyable indulgence, jusque dans les milieux judiciaires. Un nouveau directeur, nommé depuis deux ans, avait reçu, dit-on, le feu vert du directeur général pour mettre de l'ordre. cette latitude qui lui avait été laissée allait vite se transformer en une sorte de despotisme. Tous les cadres et les agents qui s'étaient opposés à lui, pour une raison ou une autre, allaient subir les foudres d'une terrible persécution : dégradations, affectations, licenciements déguisés, poursuites judiciaires. Plusieurs d'entre eux bénéficieront de réintégrations par voie de justice avec paiement des journées indûment chômées, mais le directeur refusera tout de même d'obtempérer, préférant payer des indemnités d'astreinte allant jusqu'à 2 000 dinars par jour, croyons-nous savoir. Bon argent payé sur les cotisations des travailleurs, faut-il le rappeler ? À ce propos, il est utile de signaler que certains agents, convaincus de malversations, ont été suspendus et poursuivis en justice, alors que d'autres, ayant été convaincus des mêmes irrégularités et parfois de pire, mais qui ont l'heur de ne pas faire partie du clan adverse, n'ont nullement été inquiétés. Bien au contraire, puisqu'il semble que le trafic des “décomptes” est toujours aussi intense que par le passé. De nombreux employés, et même des assurés sociaux, nous ont fait parvenir des documents accablants et ont porté à notre connaissance ainsi qu'à celle des autorités locales et nationales des irrégularités dont on aurait peine à croire l'authenticité. Ainsi donc, malgré la pléthore du personnel qui distingue cet organisme, de très nombreux recrutements ont été effectués depuis deux ans, en usant de techniques éprouvées pour justifier des besoins qui n'existent pas réellement. Bizarrement, parmi les critères qui prévalent au recrutement, il semble que le fait d'être un parent d'un responsable des services de sécurité soit prépondérant. Comme si l'on voulait se ménager des amitiés protectrices. Ces citoyens n'ont pas moins le droit que leurs autres compatriotes à l'accès à l'emploi, mais que leurs liens de parenté avec des auxiliaires de la justice en fassent des postulants privilégiés est proprement scandaleux ! Cas flagrants de malversation Récemment, un cas flagrant de malversation a été porté devant l'opinion publique, y compris sur les ondes. Deux sociétés de transport des malades par ambulance et qui assurent des prestations remboursées par la caisse ont été épinglées pour diverses irrégularités, telles que des cas de surfacturation, de fausse facturation, de détournement d'itinéraires et autres tromperies, qui n'ont été rendues possibles qu'avec des complicités dans les milieux hospitaliers et de la sécurité sociale. Un audit laborieux a été entrepris. Il aurait conclu que le préjudice serait considérable. Le directeur avait affirmé, publiquement, que des poursuites seraient engagées. Non seulement cela n'a pas été fait mais même des procédures de reversement des sommes indûment perçues n'ont pas été engagées. Chose qui aurait dû aller de soi à la CNAS où cette pratique est habituellement et systématiquement usitée. Des scenarii ont même été combinés pour exercer des pressions et étouffer l'affaire. Des associations de malades ont été mises à contribution afin de “solliciter” la CNAS et l'obliger ainsi à reprendre ses relations avec les sociétés de transport, malgré le constat des irrégularités. Des sit-in ont même été organisés comme si l'on pouvait faire l'amalgame entre la santé des assurés et la nécessité d'installer des mécanismes de contrôle. Il ne faut, en aucun cas, perdre de vue que la situation des grands malades, atteints surtout d'affections néphrétiques et qui sont transportés par ces sociétés, est très pénible. Mais les utiliser, les prendre en otages et mettre leur désarroi sur le devant de la scène pour faire oublier qu'ils sont les premiers à avoir été escroqués laissent réellement songeur. La question de taille qui se pose dans cette affaire est celle de savoir si réellement des cas d'irrégularité et de falsification ayant pour but de capter des sommes indues ont bien été constatés ? Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir enclenché les mesures appropriées ? Sinon, aussi, pourquoi entretenir ce climat délétère au lieu de les blanchir ? Le cas du trafic des décomptes est tout aussi gravissime. Cette pratique, très répandue dans la CNAS, au niveau national, consiste à trafiquer des documents comptables et des vignettes afin de se faire rembourser par l'intermédiaire de tiers ou d'assurés à leur insu, des sommes très importantes. L'actuelle direction a engagé une procédure dont l'expert désigné par le juge d'instruction a fait ressortir la bagatelle de 1 milliard 400 millions de centimes de détournements pour plusieurs exercices. Les auteurs ont même été désignés et sommés de rembourser. Une contre-expertise a été demandée par ces derniers. Mais il semble d'ores et déjà que les sommes seraient bien plus importantes et les auteurs bien plus nombreux. Cette affaire promet déjà un retentissement qui fera date puisque ceux qui seront éclaboussés menacent déjà de tout révéler, sur tout le monde. Comme ces accusations lancées contre certaines personnes du centre de 1014-Logements que l'on désigne comme un centre névralgique de certaines indélicatesses. Ne disposant pas, pour le moment, d'éléments tangibles, nous n'émettrons donc pas d'accusations précises. Mais il est intéressant de souligner que dans ce centre et sous le prétexte d'une gestion plus efficace, des horaires assez particuliers ont été adoptés. Le personnel commence son travail à 6h et s'en va à 13h. À 17h, deux agents reviennent et travaillent à “huis clos”. Ces deux agents sont, selon les procédures de la Caisse, les postes clés pour liquider un dossier de remboursement. Pourquoi cette procédure et pourquoi ces horaires très spéciaux d'autant plus que des histoires de remboursement de démunis qui sont, en fait, des commerçants circulent ? Tout comme des histoires de remboursement de médicaments ne figurant pas dans la nomenclature. Le fait troublant d'avoir déménagé les archives de ce centre, y compris celles de l'exercice actuel, vers un centre éloigné de la ville a, considérablement, alimenté les rumeurs qui font état d'une opération de destruction de documents compromettants. Un autre cas aurait attiré l'attention des commissions de contrôle. Ce serait celui de l'écart négatif qui aurait été trouvé lors de l'inventaire de l'exercice précédent. Celui-ci serait de 1 milliard 7 cents millions de centimes. Rien que cela ! Cela voudrait-il dire que des équipements, notamment informatiques, ont été détournés ? Pourquoi les travaux de la première et de la deuxième commissions ont-ils été suspendus ? Des dépenses faramineuses Le cas des dépenses faramineuses n'est pas des moindres dans les investigations des commissions de contrôle et autres expertises, puisque l'on parle de grosses sommes engagées dans les équipements d'appartements de fonction, de repas, d'hébergement dans des hôtels de luxe, de carnets de bons d'essence, de chambres d'enfants, de micro-ordinateurs dans des domiciles, etc. Récemment, le directeur général de la CNAS, de passage à Sétif, pour convenances personnelles, y a été reçu, en grande pompe, avec bouquet de fleurs et tutti quanti. Il n'aurait pas apprécié cet excès de zèle, dit-on ! Il a passé la nuit de jeudi à vendredi dans un hôtel huppé. La facture délivrée fait état de 8 millions de centimes et on y lit trois nuitées et 20 repas ! Surfacturation ou hôtel 5 étoiles ? D'autres accusations ont été lancées et des copies de documents divers circulent. On y fait notamment cas de combines géniales dans les contentieux employeurs. Il faut savoir qu'un cas de contentieux de la sécurité sociale est imprescriptible pour trente ans, mais à la condition que l'employeur soit relancé dans les délais, soit avant que quatre années ne soient révolues. Si cette dernière durée est dépassée sans que l'employeur soit expressément sommé d'acquitter les sommes dues, la dette est effacée, en totalité. Beaucoup d'employeurs doivent des centaines de millions de dinars à la caisse. Certains recourent à des petites gracieusetés pour faire dormir le dossier en échange de “petites rétributions”. Lorsque c'est pour une année, on imagine que le pot-de-vin doit être relatif, mais quand c'est pour quatre ans et que la dette effacée est très élevée... Tous les cas dont nous avons fait état ici ne sont qu'une infime partie de tous les griefs que des employés de la CNAs et des assurés sociaux dénoncent. Certains le font en catimini, comme s'ils craignaient des représailles. Des cadres financiers que nous avons contactés affirment que le préjudice est énorme et qu'il n'est pas propre à Sétif seulement. C'est toute la CNAS qui est laminée par ce pillage quasi-systématique. Et comme pour le poisson, c'est la tête qui pourrit en premier. Toutes les caisses de sécurité sociale ont été prises en otages par une faune de prédateurs qui s'y servent comme d'une bête dépecée et jetée à leurs pieds. Ce sentiment d'impunité est suscité par le fait que ces vampires savent qu'au sommet de la hiérarchie, de grands fauves, autrement plus gourmands, se goinfrent, à ne plus pouvoir, de l'argent des travailleurs. Et dire qu'un assuré social doit subir le supplice de tantale pour se faire rembourser une petite ordonnance et accepter de mourir chez soi d'un cancer lorsque d'autres vont se faire soigner à l'étranger pour de petits bobos. D. B.