Le séisme enduré par Haïti, un drame de plus pour ce pays, pourrait accélérer l'effort de réduction de la dette, un lourd héritage à porter pour cette nation parmi les plus pauvres au monde. Annuler la dette d'Haïti, l'objectif n'est pas nouveau. Quand le pays est revenu à la démocratie et à une certaine stabilité politique après 2004, il s'est engagé dans les procédures prévues par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Cette volonté a été couronnée en juin 2009 par un accord dans le cadre de deux initiatives, celle en faveur des “pays pauvres très endettés” (PPTE) et celle d'“allégement de la dette multilatérale” (IADM). Accord qui prévoyait alors de réduire la dette de plus de 1,2 milliard de dollars. D'après le FMI, l'accord allait permettre au gouvernement de Port-au-Prince d'économiser 50 millions de dollars de remboursements chaque année pendant dix ans. À l'époque déjà, les tragédies traversées par Haïti en 2008, en première ligne face à l'explosion des prix de l'alimentation et des ouragans meurtriers, avaient sensibilisé la communauté internationale à la fragilité de ce pays. Le problème n'apparaît pas entièrement réglé. “Le pays a toujours 641 millions de dollars de dettes dans ses comptes. Car l'accord de réduction de la dette ne couvrait que celle contractée jusqu'en 2004”, déplore Jubilee USA, une coalition pour l'annulation de la dette des pays pauvres. Le Club de Paris, groupe informel d'Etats créanciers, s'était engagé en juin à annuler la totalité de la dette d'Haïti vis-à-vis de ses membres, soit 214 millions de dollars. Parmi eux, la France, qui envisageait initialement des “annulations progressives et conditionnelles”, avec des “contrats de désendettement et de développement”, a annoncé après le séisme qu'elle annulerait sans condition les 58 millions d'euros qui lui sont dus. Les pays qui ne sont pas membres du Club de Paris ont été appelés à suivre, principalement le Venezuela et Taïwan. Le Venezuela n'a pas donné d'indication sur ses intentions. Son président Hugo Chavez, qui considère Haïti comme une “terre sainte” de la révolution, souligne l'aide humanitaire envoyée par Caracas. Le gouvernement de Taïwan, qui a souligné que cette dette était principalement détenue par des créanciers privés, a indiqué qu'il en étudiait la possibilité. Pour les organisations non gouvernementales, c'est encore insuffisant. Oxfam pointe comme “principaux créanciers d'Haïti”, détenant “plus de 70%” de sa dette, les institutions financières internationales : la Banque interaméricaine de développement (429 millions de dollars), le Fonds monétaire international (165 millions) et la Banque mondiale (38 millions). “C'est surtout au FMI, à la Banque mondiale (...) que la France est attendue et que sa voix compte”, souligne Sébastien Fourmy, d'Oxfam France, qui souhaite voir Paris demander à ces institutions d'annuler elles aussi la dette d'Haïti. Dans chacune de ces institutions, la problématique est différente. La BID a déjà réduit la dette d'Haïti de 511 millions de dollars en juin. Pour qu'elle fasse un nouveau geste, elle va devoir se lancer de nouveau dans un processus de consultation de ses Etats membres, à commencer par les Etats-Unis. La Banque mondiale souligne qu'elle n'est qu'une petite partie du problème et qu'elle a abandonné les prêts au profit de l'aide directe. Quant au FMI, ses statuts ne prévoient pas de dons. S'il peut annuler des dettes, Haïti n'est pas encore en mesure, techniquement, de bénéficier d'une telle décision. Les prêts du FMI au pays sont de fait systématiquement renouvelés, et le jour où Haïti remboursera entièrement l'institution de Washington paraît de toute façon très lointain.