“Le financement de la croissance” a été, hier, au centre des débats à l'Ecole supérieure algérienne des affaires. Initiée par le cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise, cette rencontre a rassemblé des experts, des patrons d'entreprise à l'image de Slim Othmani, directeur général de la Nouvelle conserverie algérienne (NCA), ainsi que des responsables institutionnels (Mohamed Benini, directeur général de l'Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex), et M. Chami de la Chambre algérienne de commerce et de l'industrie. Introduisant la problématique, Adel Si Bouekkaz, directeur général de Nomad Capital, a indiqué qu'“il faut que les entreprises algériennes agissent en toute transparence et s'éloignent de l'informel pour bénéficier des fonds d'investissement”. “Les gens sont concentrés sur l'informel et perdent beaucoup de la valeur de l'entreprise quand ils intègrent le circuit formel”, note-t-il, avant d'estimer qu'“il y a énormément de manque à gagner sur l'informel”. “Il y a une perte de plus de 50% de la valeur de l'entreprise avec l'informel”, précise-t-il. “Il faut encourager, dit-il, les Algériens à être plus dans le formel”. Toujours sur la question de l'informel, M. Bouakaz souligne que “ceux qui vont vers l'informel considèrent à tort ou à raison que la fiscalité de l'entreprise est lourde ; ils préfèrent donc se soustraire à l'imposition. Alors que l'entreprise gagne plus en valeur quand elle est dans le formel que dans l'informel”. Intervenant de son côté, Slim Othmani, qui expliquera que son entreprise travaille à 100% dans le formel, précisera que ses clients ne le sont pas pour autant dans tous les cas de figure. “L'administration nous demande de vérifier les documents, mais nous, on ne peut vérifier que si le client a un registre du commerce et un local, et on lui vend. Ce n'est pas notre travail de faire le contrôle”, dit-il, avant de rebondir sur la question. “Les multinationales ne louent pas de registres du commerce, c'est impossible. Les clients grossistes ont des registres du commerce qui ne sont pas forcément dans les règles de l'art”. “On les a réunis récemment, ils nous ont dit qu'ils veulent intégrer le circuit formel, mais ils veulent qu'on soit moins regardants sur ce qu'ils ont fait dans le passé”, explique-t-il encore à ce propos. Interrogé sur la structure de l'entreprise algérienne qui, dans l'écrasante majorité, sont des entreprises familiales, Bouakaz estimera qu'“il ne faut pas être dur avec l'entreprise algérienne qui est jeune. Il faut accepter son inefficience. Nous devons faire notre propre processus et encourager l'entreprise avec plus de liberté et plus d'accès aux financements”. Et de préciser : “L'Algérie vit un capitalisme jeune et quand on sort d'un capitalisme familial, c'est chose rebutante, il faut donc un travail pédagogique en la matière.” Evoquant le fonds d'investissement, M. Bouakaz notera qu'il est une solution de financement de l'entreprise parmi tant d'autres. En somme, “c'est une alternative à encourager”. Ses avantages : il s'agit, entre autres, de la prise de risque avec le promoteur et l'arbitrage qui sort de l'affect sur des décisions importantes. Autrement dit, avoir un œil externe et indépendant sur la gestion de l'entreprise. Intervenant sur la question de l'ouverture du capital des entreprises algériennes, Lies Kerrar, président de Humilis Finances, lancera : “J'ai l'impression que la peur par rapport à cette question d'ouverture du capital de l'entreprise est plus grande que la réalité. Les chefs d'entreprise, même s'ils ne contrôlent que 25% à 30% du capital de l'entreprise, ne perdent pas le contrôle et la gestion de l'entreprise”, dit-il tout en expliquant que “ces appréhensions des patrons d'entreprise disparaissent dès qu'ils sont confrontés à la réalité”. Sollicité pour la position de son institution à propos du financement des petites et moyennes entreprises, M. Chami, secrétaire général de la Chambre algérienne du commerce et de l'industrie, notera : “Nous avons un sérieux problème de financement des PME, le Fonds de garantie ne joue pas bien son rôle et on est confronté à l'archaïsme des banques.” Sur cette question, Bouakaz pense qu'il faut encourager les banques à apprécier les projets autrement que par une logique patrimoniale. Autrement dit, être plutôt regardant sur le management de l'entreprise, sa ressource humaine… Sur cette question, Slim Othmani estime que les critiques selon lesquelles l'entreprise algérienne “n'arrive pas à créer de la valeur devrait faire réfléchir sur les modes de financement à lui apporter pour lui permettre justement de créer cette valeur”.