Des certificats de conformité non réglementaires sont octroyés. Le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme (MHU) a décidé de ne pas rendre public le rapport de la commission d'enquête, constituée pour faire la lumière sur l'effondrement d'immeubles, lors du séisme du 21 mai dernier, dans les wilayas d'Alger et de Boumerdès. En déposant plainte au parquet, le département de M. Hamimid a préféré laisser le soin à la justice de trancher quant aux anomalies constatées sur les constructions qui se sont écroulées. Plusieurs irrégularités ont, en effet, été signalées par les enquêteurs sur le document. Ils ont mis en exergue la négligence flagrante de l'étude du sol sur lequel ont été bâties les cités. En termes plus clairs, le maître d'œuvre n'a jamais effectué une commande d'étude de sol spécifique. Il s'est, en revanche, contenté d'études générales sans tenir compte des aspects liés à la dynamique, à la sismicité…Sans approfondir l'exploration du terrain, ces initiateurs de projet n'appliquent que quelques pénétromètres (pénétration du sol) en guise d'étude. Les entreprises réalisatrices, estiment encore les investigateurs, ne sont pas qualifiées. Celles-ci ne disposent pas, relève-t-on, de staff sur chantiers. Or, la loi exige la présence constante d'un chef de projet, d'ingénieurs, d'architectes, de techniciens et de laborantins. À cela, il faut ajouter la non-qualification du personnel employé par les entreprises. L'administration oblige, cependant, le bureau d'études n'a effectué que quatre visites mensuelles des chantiers. Elle (l'administration) réalise des économies de chandelle en élargissant les prérogatives du BET qui assume ainsi toutes les tâches ayant trait au projet. Fait également inadmissible : l'existence de laboratoire d'analyses de matériaux et de béton sur chantier n'est pas entrée dans les mœurs des promoteurs algériens. D'où le trafic exercé par des entrepreneurs qui obtiennent de la part des services du CTC des certificats de conformité non conformes. La présence de ces organismes assure, à coup sûr, la bonne exécution des matériaux et du béton. Par ailleurs, l'enquête a fait ressortir la mauvaise qualité des matériaux utilisés dans les régions sinistrées. Le sable n'est souvent pas lavé et le gravier est mélangé avec de la terre qui est l'ennemi du béton. L'eau pleine de détritus provoque la faiblesse du béton. Les prix de ce dernier sont fixés d'une manière anarchique alors que le sac de ciment ne contient pas le poids exacte inscrit sur l'emballage. Reste à savoir si les enquêteurs ont situé les véritables responsabilités et identifié les auteurs de ce crime abject qui a fait près de trois mille victimes et endeuillé autant de familles. Quelles décisions prendra la justice envers les entrepreneurs véreux cités dans le rapport ? Leur avenir sera-t-il l'inévitable “carcero duro” (dure cachot) ? Les emprisonner est-il l'ultime solution ? Ou vaut-il mieux leur réserver une sanction plus allégée, car eux-mêmes sont victimes de la catastrophe ? Ce sont autant de questions sur lesquelles doivent se prononcer en toute objectivité les tribunaux d'Alger et de Boumerdès. “Mais le MHU a déposé plainte contre qui ?”, ne cessent de s'interroger les observateurs très au fait des questions liées à l'habitat et à l'urbanisme. B. K. Dépôt de plainte par le ministère Les réserves des architectes Pour le président du Collège national des experts architectes (CNEA), M. Boudaoud, il est grand temps d'appeler à la sagesse. “3 000 morts, 15 000 blessés et des milliers de familles déchirées… Basta !”, déplore-t-il. Il avoue que la meilleure solution pour ces entrepreneurs, qui ont failli dans leur mission, est de les radier et de les oublier à jamais. Le premier responsable du CNEA ne cesse, toutefois, de tirer à boulets rouges sur la tutelle. “Le ministère n'est qu'un promoteur qui détient le plus important portefeuille de l'Etat. Il n'a jamais été un constructeur”, lance-t-il. Notre interlocuteur laisse entendre clairement que le premier maillon faible de la chaîne n'est autre que le MHU. La politique qu'il a menée jusque-là, souligne-t-il, est fondée sur la quantité au détriment de la qualité des logements construits. Ce qui a provoqué, selon lui, l'émergence de cités dortoirs, telles que Aïn Naâdja et Bab Ezzouar, devenues le fief des fléaux sociaux. Afin de mieux appréhender les devoirs et les obligations, voire les prérogatives et les missions du ministère, M. Boudaoud, nous envoie au décret exécutif n° 92-176 du 4 mai 1992 fixant ses attributions. Il a indiqué que le meilleur cadeau que puisse offrir l'Etat aux sinistrés de Réghaïa, de Rouiba, de Boumerdès…, c'est de les reloger dans un rayon qui ne saurait dépasser les 500 mètres de leurs lieux d'habitations initiaux. Outre le deuil, ils ne sont pas prêts à subir les affres d'un déracinement en les recasant à mille lieux de chez eux. L'option “provisoire” des chalets, choisie par les pouvoirs publics, souffre, elle-aussi, dira M. Boudaoud, de beaucoup d'incongruités. Il citera l'exemple d'une assiette de terrain de 5,5 hectares, à Corso, destinée à recevoir, tenez-vous bien, quelque 188 chalets !!! Pis, la superficie de ces cabines, évaluée à 38 m2, ne peut recevoir toute une famille algérienne, réputée pour le nombre important de ses membres. Cela étant, il ne faut pas oublier le manque de bouches d'incendie, de bâches à eau et… autres commodités indispensables pour le bien-être des résidants en cette pénible période de canicule. Un point, et non des moindres, a également suscité l'inquiétude de l'architecte. Il s'agit du provisoire qui risque de durer quand on sait qu'à Chleff, il existe encore des sinistrés qui occupent des chalets depuis 1980. La promesse de relogement sur laquelle s'était engagée l'Etat à l'époque, n'a jamais été tenue à ce jour... B. K.