Il y a donc un directeur de la flore et de la faune ! Tous les cris de protestation qui ont précédé et accompagné celui des bulldozers et des tronçonneuses balafrant le beau parc d'El-Kala et toutes les indignations suscitées par le massacre – qui dure depuis une décennie – des derniers spécimens d'outardes des Hauts-Plateaux ne l'ont pas fait sortir de sa… réserve ! Mais voilà qu'on le découvre en campagne pour la promotion de l'inscription de nouveaux sites sur la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale. Au demeurant, l'inscription dans la liste Ramsar constitue plus un label qu'un élément de protection, celle-ci revenant aux autorités dont dépend la zone humide en question. La protection des sites nouvellement inscrits, comme celle des quarante-sept sites Ramsar algériens et celle des 1 451 zones humides du pays, sera ce que fut et ce qu'est la protection du parc d'El-Kala, de la zone de Oglat Edaïra (Naâma) ou de la réserve de chasse de Tlemcen. Elle dépendra du bon vouloir des puissants promoteurs d'autoroutes, de ce que quelqu'un a appelé “la braderie minière” du Hoggar et du Tassili, et des passions dynastiques des régimes “frères” pour certains gibiers. Dans son intervention radiophonique, le directeur national de la flore et de la faune avoue, à propos de l'autoroute qui perce le parc d'El-Kala, qu'“il y a certainement des conséquences, mais je ne dirai pas qu'elles sont désastreuses”. Il ajoute qu'“on ne doit plus refaire ce genre de projets sans tenir compte des éléments naturels tout aussi importants pour le développement que l'autoroute”. S'il y a des “conséquences”, même “pas désastreuses”, au point où le responsable pense “qu'on ne doit pas refaire ce genre de projets sans tenir compte des éléments naturels”, c'est que le passage de l'autoroute par le parc d'El-Kala fut effectivement un crime écologique. On n'a donc pas “tenu compte des éléments naturels”, et ce n'est que maintenant que le mal est fait que le chargé de la protection de la nature s'en désole ! Un Etat ne peut pas s'accommoder de son propre vandalisme de l'environnement et se donner des fonctions alibi de préservation de cette même nature. Dans quelque temps, on nous dira certainement que le saccage légalisé du sable d'oueds et de plages, l'exploitation minière du Hoggar et l'extermination de l'outarde à des fins de joyeuseté et de virilité princière furent autant de désastres. Et qu'il ne faudrait pas les refaire, quand il n'y aura plus de… nappe phréatique nulle part, ni de trace de guépard au Hoggar, ni d'outarde dans les Hauts-Plateaux, ni de perdrix rouges à Tlemcen. Il n'est pas certain que Ramsar, la Cites ou autres conventions soient d'un grand secours à notre potentiel naturel si l'impératif environnemental ne constitue pas une source d'autorité. Le primat du long terme sur le profit immédiat, du durable sur l'urgent exige de s'interdire la facilité destructrice. La défense de la nature ne peut pas se suffire de l'existence formelle de structures de défense de la nature ni de l'émargement aux conventions internationales et de la célébration des dates symboliques. Elle appelle une attitude patriotique et universelle de la défense de la part de la nature dont nous sommes dépositaires le temps de notre passage sur ce territoire. M. H. [email protected]