Faute de moyens, une minorité seulement de cancéreux de la région est du pays est traitée à Constantine. Sur les 35 000 nouveaux cas recensés chaque année, peu de la moitié est réellement prise en charge. Malgré la bonne volonté et le courage du personnel du centre de soins de l'hôpital de Constantine, dont la capacité d'accueil est fort limitée, qui arrive, avec les moyens du bord, à accueillir tout de même plus de 200 malades par jour, le désarroi dans lequel se trouvent de nombreux patients atteints de cancer est manifeste. Assis à même le sol, quelques-uns sont accompagnés. D'autres, solitaires, des sachets de médicaments et des dossiers médicaux dans la main, semblent attendre l'inconnu. Le regard figé, la fatigue et la tristesse marquent leur visage pâle et usé par la maladie. “J'attends d'avoir un rendez-vous”, s'exclame l'un d'eux. “Je n'ai pas où aller”, répond un autre d'une voix aussi fragile que son corps squelettique. Ces patients, comme bien d'autres au centre de soins de l'hôpital de Constantine, affluent de différentes régions très éloignées de l'est du pays. Quand ils arrivent à avoir un rendez-vous ou ont la chance d'entamer un traitement (souvent ambulatoire), ils se trouvent alors obligés de faire des centaines de kilomètres pour une séance de chimiothérapie ou juste une visite médicale. Les malades s'entassent devant la porte du centre à cause de leur grand nombre et de l'étroitesse du service, ils occupent le parking et les couloirs, attendant leur tour pour être traité. Les malades atteints de cancer, venus des quatre coins du pays, doivent parcourir des centaines de kilomètres pour consulter à Constantine ou à Alger. Ces deux villes sont les seules à disposer d'un hôpital public où des cancéreux peuvent être traités. En Algérie, selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (Oms), corroborées par des cancérologues locaux, environ 35 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année en Algérie, avec une augmentation de plus de 50% du nombre de cas depuis une décennie. Les cas de cancer les plus fréquents chez l'homme sont le poumon et la prostate ; chez la femme, le cancer du sein et de l'utérus, tandis que chez les enfants, ils souffrent de leucémies et de lymphomes. Avec 22% des cancéreux en Algérie, le cancer du sein occupe la première place, suivi du cancer de la colo rectum qui représente 12% des cancers chez l'homme. Le cancer colorectal se développe lentement et de manière prévisible, il peut donc être guéri lorsqu'il est diagnostiqué dès le début. On distingue aussi le cancer du col de l'utérus qui se situe au troisième rang avec 7,5%. Ces chiffres résultent de déductions approximatives. Faute d'un registre national du cancer, comme d'ailleurs dans la plupart des pays d'Afrique.C'est donc avec les moyens du bord que ce secteur doit mener d'autres combats prioritaires contre les nombreux maux dont souffre la population (tuberculose, mortalité périnatale et infantile…). Conséquence : une minorité de cancéreux sont traités par an. Seule une infime partie d'entre eux est détectée à un stade précoce et soignée, car les moyens en radiothérapie ne suivent pas la progression de la maladie. Plus grave encore, ces moyens ne permettent la prise en charge que de 4 000 malades. Ce qui suppose que les 31 000 autres seraient livrés à leur triste sort. “La détection précoce des cancers chez nous n'est malheureusement faite que dans 10% des cas et 80% des malades consultent à un stade tardif”, affirme un radiologue. De ce fait, l'état de la plupart des malades est désespéré.Pour le docteur Bouzerrara, gastrologue, plusieurs dépistages se font à temps. À Bordj Bou-Arréridj, par exemple, il n'y a pas de structures d'accueil pour ce genre de malades, ces derniers munis de leurs diagnostics sont obligés de se rendre, soit à Alger, soit à Constantine pour se soigner. Quant aux malades, ils souhaitent avoir un centre de chimiothérapie dans chaque wilaya pour éviter les déplacements trop fatigants et coûteux. Pour les spécialistes, ouvrir un centre dans chaque wilaya, uniquement pour la chimiothérapie, ne demande pas beaucoup d'efforts ni un énorme budget. Il suffit d'un local et d'un médecin formé à la chimiothérapie. En attendant, insistent les spécialistes, la prévention doit être renforcée. C'est le moyen le plus efficace pour attaquer le mal à la racine. Il faut aussi un plan national de prévention et de contrôle du cancer. Il doit avoir pour objectif de réduire la morbidité et la mortalité imputables au cancer et d'améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches, dans un cadre global et intégré basé sur la mobilisation sociale. Ce plan devrait avoir pour ambition d'assurer la mise en œuvre des droits des patients atteints de cancer, en proposant un programme basé sur l'impartialité et l'efficience des services, à dimension foncièrement humaine. La stratégie d'intervention du plan porte sur plusieurs composantes, dont la prévention, le dépistage, la prise en charge, les soins palliatifs, la communication et la mobilisation, la législation et la réglementation. wIl faut savoir enfin que face au manque de moyens et la peur des conséquences de la maladie, certains se tournent vers ce que l'on appelle médecine douce ou “médicament arabe”. Dans plusieurs régions, des charlatans occupent le terrain et s'enrichissent sur le dos de ces malheureux. Des traitements allant jusqu'à 30 000 DA la prise !