Le constat du groupe d'experts, qui travaillent sur le plan national de lutte contre le cancer, est édifiant en ce sens qu'il relève de grandes lacunes dans la prise en charge des malades et surtout des délais d'attente trop longs entre l'établissement du diagnostic et le début du traitement. 13 000 cancéreux sont en attente de soins, car les places dans les centres de radiothérapie sont insuffisantes. La situation des cancéreux est d'autant plus dramatique que l'Algérie enregistre, chaque année, près de 40 000 nouveaux cas de cancers, toutes formes confondues. Tout au long de la journée parlementaire, qui a eu lieu hier à l'APN sur la préparation de la conférence nationale du plan de lutte contre le cancer, lequel sera mis en œuvre prochainement, les spécialistes se sont succédé à la tribune pour faire le procès de la situation chaotique prévalant dans l'organisation des soins et la prise en charge des Algériens souffrant de l'une des formes du cancer. Malgré la bonne parole du ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, qui a mis en avant les efforts consentis jusqu'alors par l'Etat en la matière et sa volonté de faire encore mieux dans le cadre de l'application du plan national du cancer, les praticiens de la santé ont levé le voile sur une réalité bien triste. Le Pr Hamouda a établi un état des lieux sommaire en affirmant que la consultation de dix registres régionaux du cancer a révélé que 39 713 cas ont été dépistés seulement pour l'année 2009. La maladie progresse nettement d'année en année. “Il n'y a ni trop ni peu de cancers en Algérie, eu égard aux facteurs de risques dont l'allongement de l'espérance de vie qui expose davantage les Algériens à cette pathologie”, a précisé la conférencière. Elle a ajouté que 7% des cancéreux sont âgés de plus de 60 ans, alors que la proportion est de 15% en Europe à cause d'un environnement plus cancérogène et aussi la qualité du dépistage précoce. Les formes de cancers les plus fréquents chez les hommes sont essentiellement ceux liés au tabagisme, telles que ceux du poumon (16,5%) et du côlon-rectum (12,5%). Le cancer de la prostate se place en troisième position avec 10,3% et celui de la vessie juste après avec un taux de 9,8%. Chez les femmes, le cancer du sein est largement dominant avec une proportion de 54,2%. Il est talonné par celui du côlon-rectum (11,9%), du col de l'utérus (11,6%) et de l'ovaire (7,5%). L'âge moyen de l'apparition de la maladie est de 59 ans chez les hommes et 51 ans chez les femmes. “Tous ces cancers peuvent bénéficier d'une prévention primaire ou d'un dépistage précoce”, a affirmé le Pr Hamouda. Si le taux de diagnostic histologique fait en Algérie est supérieur à 80%, le problème se pose avec acuité dans les délais, jugés trop longs car s'étalant sur plusieurs mois, entre la première consultation et le début du traitement. Elle a soutenu que “l'objectif pour lequel nous devons nous mobiliser est de diminuer la mortalité par le cancer, en améliorant la guérison ou du moins le confort de vie des patients”. Le Pr Afiane a exposé le rapport du groupe d'experts sur le plan cancer, qui s'est réuni aux mois de juin et juillet de l'année écoulée. Au-delà des retards constatés dans le lancement du traitement, évoqués inlassablement par ses confrères et consœurs qui sont intervenus avant lui, les spécialistes en médecine, investis dans le domaine des cancers, ont énuméré une série de dysfonctionnements du système de santé y afférent. Ainsi, il a été relevé une grande pression sur les services d'oncologie médicale du centre Pierre-et-Marie-Curie d'Alger, de Constantine et d'Oran, en raison du manque de centre anticancer dont le statut n'existe pas, au demeurant, dans la législation algérienne. Le déficit en personnel médical et paramédical qualifié est aussi présenté comme une lourde contrainte au même titre que l'insuffisance des équipements. Le Pr Afiane a d'ailleurs regretté les pannes récurrentes de matériels médicaux qui peuvent durer des mois et aussi les ruptures fréquentes des produits de base (médicaments spécifiques, des réactifs et antalgiques). Le Pr Ladjadj s'est penché, lui, sur les cancers affectant les enfants, majoritairement entre 1 et 5 ans. Elle a déploré l'absence de registre national du cancer de l'enfant dans le pays. La seule source de données est matérialisée par les archives du CPMC, qui donnent 200 à 300 cas d'enfants atteints annuellement. En tête de liste de ces pathologies se place la leucémie, suivie des tumeurs cérébrales. Le Pr Addad, médecin chef du service gynécologie obstétrique du CHU Mustapha, a réservé son intervention au cancer du col de l'utérus, qui pourrait être prévenu par le vaccin d'abord, puis l'examen du frottis, fait théoriquement tous les deux ans par toutes les femmes actives sexuellement.