C'est une première dans notre pays. L'association Djazaïrouna des victimes du terrorisme, avec le soutien de l'Union européenne, vient de mettre en place le centre Dhakira (mémoire). Le projet se fixe comme objectif d'élaborer des fichiers avec photo, date, lieu et témoignages — sur supports vidéo, audio, ou écrit — sur les circonstances de l'assassinat, viol ou kidnapping de la victime. Jusqu'à présent, ce centre a réussi à établir 700 portraits de ce genre pour la seule wilaya de Blida qui seront autant de preuves et d'armes contre le sentiment d'oubli, l'oubli des dates, des lieux, l'oubli des visages et l'oubli de ceux qui portent la responsabilité de ces crimes. “C'est une sorte de banque de données pour les générations futures, pour qu'elles sachent ce qui s'est passé et que la politique de réconciliation nationale veut effacer des mémoires”, explique la présidente de Djazaïrouna Chérifa Keddar. Et comme la tâche n'est pas facile à réaliser, il sera question dans un premier temps de rendre public “ce qui s'est passé réellement dans notre pays, les drames que les victimes ont endurés, avec toutes les violations de leurs droits dans la région de Blida et, ensuite, étendre cette démarche à d'autres régions pour que la société reconnaisse leur souffrance et leur résistance”. En parallèle, le centre Dhakira prévoit de regrouper dans un document toutes les politiques d'impunité en faveur des groupes armés, initiées par l'Etat algérien, sur la base desquelles il compte préparer un projet de plateforme de recommandations des droits de victimes à transmettre aux autorités. Un espace de rencontres est également ouvert permettant aux victimes du terrorisme encore en vie et les familles de “parler de leurs souffrances, sacrifices, défis et attentes et de trouver un accompagnement dans la douleur”. Il s'agit, en outre, d'informer les jeunes de la Mitidja sur les droits humains et les conventions internationales ratifiées par l'Algérie à travers la bibliothèque mise en place contenant des ouvrages sur ces questions et d'autres liées aux violations des droits à travers le monde, les préparant à apprendre à réagir en connaissance de leurs droits. Ce centre se propose d'être un espace d'orientation et d'initier une réflexion sur la lutte contre le terrorisme et la défense des droits des victimes. Cherifa Keddar dirige, depuis une dizaine d'années, l'association Djazaïrouna fondée par les familles de victimes assassinées ou enlevées, ainsi que par des rescapés des attentats et massacres que la région de la Mitidja a connus. Cherifa est elle-même une rescapée du terrorisme. Elle a assisté à l'assassinat de deux membres de sa famille le 24 juin 1996 : une sœur avocate, âgée de 34 ans, et un frère architecte, de 36 ans.