Hier, c'était jour de réception, le portail du siège du département de Barkat était fermé. En face, quelque 500 praticiens spécialistes de la santé publique étaient rassemblés. À El-Madania, il semble qu'il n' y a pas de place au dialogue. Avec un sourire aux lèvres et des pancartes, les praticiens et praticiens spécialistes de la santé publique se sont rassemblés, hier tôt dans la matinée, devant le siège du ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière pour crier leur ras-le-bol “à la face” de leur tutelle. Ce sit-in entre dans le cadre de la feuille de route arrêtée par les syndicalistes qui ont décrété un mouvement de grève illimitée il y a près de 7 semaines. Pour cette troisième étape — après le rassemblement à l'hôpital Mustapha-Pacha et la tentative de marcher vers la Présidence —, plus de 500 praticiens ont répondu à l'appel de leur syndicat. Tous, venus en blouse blanche, se sont rassemblés à l'intérieur du jardin, face au bâtiment de la tutelle, attendant le feu vert de leurs responsables pour démarrer leur mouvement. Vers 11h30, les protestataires ont envahi la route qui mène au ministère. Deux groupes se sont formés, l'un à l'intérieur du jardin et l'autre sur la route. “À vous Sonatrach et à nous la matraque”, entend-on crier ou encore : “Nous ne sommes pas des terroristes mais des praticiens” ; “La tutelle vit dans le luxe et les praticiens vivent l'enfer”. Des cartons rouges sont brandis par les grévistes criant “Barkat hors jeu”, comme pour se faire plus significatifs. Emportés par le feu de l'action, certains praticiens ont tenté une marche, très vite stoppée par les responsables syndicaux et les services de sécurité présents en grand nombre. Dès les premiers pas des praticiens, deux cordons de sécurité se sont formés face aux protestataires pour décourager tout mouvement d'ampleur de la marche. Devant ce “mur humain”, les praticiens ne cachent pas leur colère. “Ministère incompétent, à bas la répression !” scandent-ils notamment. Le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP) commente : “C'est grave de déranger tout ce beau monde pour un rassemblement pacifiste.” “Regardez les portes du ministère, elles sont fermées, c'est une chose qui n'arrive jamais, surtout pas un jour de réception. Je crois que cela veut tout dire, que ce soit dans la forme ou dans le fond”, fait remarquer le Dr Youcefi. Avec cette action, et une grève sans fin, les praticiens veulent mettre la lumière sur le malaise que rencontre le secteur de la santé et le marasme dans lequel il se débat. Par la même occasion, il veut démontrer “l'incapacité de la tutelle à gérer”. “Si nous gardons le silence et nous ne mettons pas au grand jour les problèmes que vit la santé publique en Algérie, cela veut dire que nous sommes complices”, disent les syndicalistes. D'autres syndicats avaient rejoint le mouvement par solidarité, comme le Snapap qui avait boycotté la réunion, prévue le matin même avec la tutelle, pour discuter de leurs préoccupations, pour être aux côtés de leurs “frères de combat”. Des représentants de la Ligue des droits de l'Homme, aile Bouchachi, ont tenu à être présents pour soutenir l'action des syndicats et constater, le cas échéant, tout dépassement de la part des forces de l'ordre. À 12h30, les protestataires sont tous revenus à l'intérieur du jardin où les deux présidents de syndicat prennent la parole pour les informer de l'évolution de la situation et de la marche à suivre pour l'avenir du mouvement. Dans leur allocution, les deux responsables syndicaux ont tiré à boulets rouges sur la tutelle et sur ses pratiques qu'ils assimilent à “la politique de l'autruche”. “Pour déstabiliser notre mobilisation et notre détermination, la tutelle n'a pas trouvé mieux que de faire parler un syndicat fictif”, a fulminé le Dr Merabet. “Le mouvement ne s'essoufflera pas malgré les différentes tentatives du ministère. La politique que la tutelle entreprend pour régler la crise ne fera qu'accentuer notre détermination à aller jusqu'au bout”, a-t-il renchéri. Pour marquer leur mécontentement face aux agissements de la tutelle, les syndicats ont déposé, hier, une plainte au Bureau international du travail. Lors du rassemblement, aucun responsable du ministère n'est apparu. Les praticiens ont d'ailleurs commenté ce silence avec une certaine dérision. “Le ministre est en Suisse et son SG préside une journée d'étude à Béni-Messous, à croire que c'est plus important que de débloquer la situation”, ont fait savoir les praticiens. “Si les autorités ne se manifestent pas, c'est parce que, pour eux, il y a un autre système de santé”, ajoutent-ils. Les praticiens ont clos leur rassemblement en entonnant l'hymne national et les deux présidents ont fait savoir que la grève continuera dans sa forme actuelle et qu'un rassemblement sera tenu devant le Palais du gouvernement, tout en émettant le souhait d'être reçus par le Premier ministre. Outre la capitale, des rassemblements ont été observés à Oran, Constantine, Annaba, Ouargla et Adrar, suivis de marches vers les Directions de la santé de wilaya. Parallèlement, les psychologues ont tenu eux aussi un sit-in devant la tutelle. Une rencontre devant les regrouper, dans l'après-midi, avec des responsables du ministère aurait été annulée par la tutelle.