Dans cet entretien, ce magistrat spécialisé dans les affaires liées à la contrefaçon dresse un constat sur les insuffisances enregistrées dans la lutte contre ce fléau. Liberté : Pouvez-vous nous présenter d'une manière succincte le dispositif juridique en matière de lutte contre la contrefaçon ? Maître Sator : Il y a des mesures douanières qui ont durci les conditions de contrôle et de vérification des produits importés au niveau des frontières, des ports et des aéroports. Des mesures pénales telles que les articles 206, 208, 211, 212, 429,430 du code pénal et les services de contrôle chargés de contrôler la qualité des produits contrefaits. Cet arsenal juridique est-il suffisant pour protéger les marques et freiner le phénomène de la contrefaçon ? Au niveau des textes, il n'y a pas de vide juridique, les textes sont complets, le problème se pose au niveau de l'application de ces textes dans les pays développés et les pays émergents. Ce phénomène de la contrefaçon constitue un risque élevé, surtout pour la santé du consommateur qui peut aller jusqu'à la mort (comme pour les produits pharmaceutiques). Pour freiner ce phénomène, il faut mobiliser des agents motivés et entraînés qui auront comme mission la répression de la contrefaçon. Quelle est l'ampleur de la contrefaçon en Algérie et quels sont les préjudices financiers causés à l'économie nationale ? La gamme des produits contrefaits inonde quotidiennement le marché algérien, et ne cesse de se diversifier dans tous les domaines, comme le consommateur souvent peu informé et constamment en quête de produits les moins coûteux, il est toujours la première victime de la contrefaçon. Par contre à l'échelle de l'économie nationale, ce fléau lui cause un grave préjudice financier. Quel est le nombre d'affaires traitées par la justice en matière de contrefaçon ? Le nombre de plaintes, d'alerte, de jugements rendus est-il en progression ? Au niveau du parquet et de la section commerciale du tribunal, nous retrouvons peu de dossiers concernant la contrefaçon, donc le nombre d'affaires traitées par la justice n'est pas important. En général, le procureur s'occupe beaucoup plus d'autres affaires plus importantes que d'une plainte déposée pour cause d'une machine à laver contrefaite. On peut noter aussi l'absence d'une politique gouvernementale qui mettra la pression pour lutter contre ce phénomène. Votre cabinet a enregistré plusieurs dossiers sur la contrefaçon, quelles sont vos conclusions générales tirées du traitement de ces dossiers ? La conclusion qu'on peut tirer, c'est le manque de formation de magistrats au niveau des tribunaux de 1re instance dans ce domaine qui est la contrefaçon, les magistrats accordent peu d'importance et d'attention à ce genre d'affaires et les jugements en général ne sont pas bien fondés ; par contre, les magistrats au niveau de la cour et de la Cour suprême sont plus compétents et les résultas sont satisfaisants. On constate aussi l'absence de cette matière dans le programme d'enseignement à l'université. La solution, c'est d'avoir des magistrats spécialisés dans la contrefaçon pour de meilleurs résultats.