Lors de sa création en 1990, la Fondation Casbah s'était fixé comme objectif la sauvegarde et la réhabilitation de la vieille médina. Une médina outrageusement gangrenée par des dégradations dues, tant au vieillissement normal des matériaux qu'à des actes de destruction inqualifiables initiés le plus souvent par des gens venus d'ailleurs s'y installer provisoirement en vue de bénéficier d'un logement social. Loin de jeter la pierre à ce que d'aucuns qualifient d'indus occupants, des sources proches de la fondation font judicieusement remarquer que l'exode rural vers La Casbah a toujours existé, particulièrement entre les années 1940 et le début de la lutte armée, lorsque des populations rurales chassées par la misère et la répression vinrent s'y établir pour s'y intégrer lentement mais sûrement tant elles se sentaient plus en sécurité et ravies d'avoir accès à la culture citadine qu'elles assimilèrent grandement avant de la propulser au zénith. La reconnaissance interviendra des années plus tard, lorsque des Algérois d'adoption, mêlés aux anciens élèves de l'école Sarrouy, seront à l'origine d'une longue marche qui jettera les bases de la Fondation Casbah. Bien que classée patrimoine universel par l'Unesco, à l'issue d'une réunion tenue en décembre 1992 à Santa Fe, aux Etats-Unis, La Casbah voit sa situation à tout le moins apocalyptique empirer chaque jour davantage. Ce qui n'est pas sans préoccuper ses nombreux défenseurs, nationaux comme étrangers. Malgré le fait avéré qu'un véritable arsenal juridique ait été mis en branle à l'effet, sinon de sauver le site, du moins de le préserver d'une lente agonie. Comme le fera remarquer Ali Mebtouche, ancien président de la fondation, il aura fallu user de tous les stratagèmes pour amener les appareils idéologiques d'Etat à plus de clairvoyance pour prendre la décision d'inscrire La Casbah sur le registre national des monuments historiques. Est-ce pour cette raison que le Comité du patrimoine mondial ait mis beaucoup de temps pour agréer la demande d'inscription ? Pour autant, les clercs resteront de marbre et l'apathie à l'honneur allait être quelque peu disculpée par l'érection de la bête immonde qui allait, une décennie durant, tenter d'imposer à tout un peuple un climat d'insécurité jamais connu depuis l'indépendance politique du pays. Ali Mebtouche et Belkacem Babaci, son successeur à la tête de la fondation, insistent sur le rôle joué par MM. Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement, et Chérif Rahmani, gouverneur d'Alger. Après de nombreuses actions d'envergure, l'espoir est vite mis en cage à la suite de leur départ et l'arrivée d'un nouveau wali qui gèlera toutes les initiatives de restauration. Cela n'empêchera pas pour autant la société civile de fustiger le manque de cohérence et les options castratrices. La Fondation Casbah est sommée de quitter manu militari Dar el-Hamra, son siège social, au moment même où certaines de ses nombreuses initiatives allaient connaître un début de concrétisation grâce à la promulgation de nouveaux textes en relation avec la sauvegarde du patrimoine. Pourtant, tout système doit, avant tout, satisfaire à notre besoin de nous redécouvrir et de nous reconstruire nous-mêmes sur l'arrière-fond que constitue l'acquis culturel de l'humanité. Cette totalisation n'exclut pas une vision plurielle. Loin s'en faut ! Elle postule, bien au contraire, la mobilisation de tous les Algériens autour d'actions concrètes au service exclusif du sauvetage et de la restauration du patrimoine national. L'ire des uns et les griefs des autres prennent leur véritable sens ici en ce qu'ils manifestent de la part d'une culture particulière l'une de ses légitimes persévérances sur quoi peuvent se bâtir des solidarités de l'avenir.