La Suisse, qui tente en vain, depuis un an et demi, de faire revenir deux hommes d'affaires retenus en Libye, est parvenue cette semaine à impliquer les Européens dans l'épineux conflit qui l'oppose à Tripoli, ouvrant des discussions marathon ayant permis quelques “avancées”. Confrontés à une crise diplomatique née de l'arrestation musclée à Genève en juillet 2008 d'Hannibal Kadhafi, un des fils du leader libyen, pour mauvais traitements envers deux domestiques, Berne et Tripoli ont renoué jeudi le dialogue à haut niveau, grâce à l'intervention de l'Union européenne. La rencontre entre les chefs de diplomatie suisse et libyen à Madrid a permis “des avancées”, a assuré le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE : il y a “une volonté des deux parties de trouver une solution définitive à ce contentieux”, a-t-il insisté. “Des pourparlers se poursuivent”, a expliqué laconiquement vendredi son homologue suisse Micheline Calmy-Rey. Selon les médias helvétiques, des discussions se déroulent respectivement à Berlin ainsi qu'à Madrid. La Suisse a ainsi obtenu l'aide de ses voisins espérée depuis des mois, dans un dossier plus que complexe qui la confronte directement à la famille Kadhafi, s'est félicitée vendredi la presse suisse. Pour le directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), il s'agit d'un “tour de force”, dans la mesure où les Européens, gardant en mémoire l'affaire des infirmières bulgares, “redoutaient de se mêler de ce duel, car ils savent combien il est compliqué de gérer une crise avec Tripoli”. Selon les analystes, l'UE n'a pas eu le choix, car elle a été à son tour “touchée par les foudres de Kadhafi”, relève l'ancien diplomate helvète, Raymond Loretan. Une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE est prévue demain à Bruxelles et, selon des sources européennes citées par l'agence suisse ATS, beaucoup espèrent que l'affaire sera réglée d'ici là. La prudence était toutefois de mise en Suisse, échaudée par le retour plusieurs fois avorté des deux citoyens assignés à résidence à Tripoli depuis juillet 2008. “L'affaire est sensible” et Berne ne lâchera pas sur sa “politique restrictive de visas” tant que les deux hommes ne sont pas revenus sur son territoire, explique un diplomate occidental sous couvert d'anonymat. C'est son seul moyen de pression, “ce n'est pas le moment de céder”, abonde M. Abidi. Mais le temps presse, car le soutien de Bruxelles reste timide, remarque le Matin. “L'Italie, la France et Berlin ne peuvent pas se permettre de fâcher le régime libyen, car les enjeux sont énormes”, analyse M. Abidi. “Sur le plan politique, l'UE est engagée dans un processus d'intégration de la Libye”, ajoute-t-il, tandis que sur le plan économique, de gros contrats sont en jeu.