La région méditerranéenne, voire même euroméditerranéenne, n'est pas parvenue à ce jour à élaborer une politique sécuritaire commune. C'est un des constats établis, hier à Alger, par le docteur Luis Martinez, lors de la conférence consacrée aux “problématiques sécuritaires en Méditerranée”, qu'il a animée au Centre des études stratégiques d'Ech-Chaâb (CESE). Le directeur de recherche au Centre des études et des recherches internationales (CERI, Paris), également chercheur-associé à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IES), a d'emblée restitué la question dans son contexte historique. “La sécurité en Méditerranée n'est pas un concept classique dans les relations internationales. C'est un constat (…). La sécurité dans cet espace est née de la conjoncture marquée par la fin de la guerre froide”, a déclaré M. Martinez. La nouvelle période a mis fin à l'existence de “grands blocs”, apportant ainsi avec elle des changements, y compris dans l'approche sécuritaire. Pour le chercheur, l'Europe, plus exactement trois pays européens, à savoir la France, l'Italie et l'Espagne, se sont retrouvés contraints, après 1990, de “définir une stratégie en Méditerranée”. Une stratégie connue sous le nom du processus de Barcelone destiné à “créer un climat de confiance”. Quant aux Etats-Unis, leur intérêt s'est porté, après l'effondrement de l'URSS, sur “la sécurité de leurs alliés et la sécurité énergétique”. Luis Martinez n'a pas semblé surpris de l'échec du processus de Barcelone, dans la mesure où les préoccupations des pays nordiques et même ceux de l'ex-bloc de l'Est sont ailleurs”. De plus, ajoutera-t-il, à part la focalisation sur le volet sécuritaire, tous les autres volets relèvent surtout des “relations bilatérales”, de “la politique nationale d'intérêts” ou d'une “politique d'instrumentalisation”. Dans ce cadre, le chercheur a rappelé qu'au Sahel, des pays, particulièrement le Maroc et la Libye, ont instrumentalisé la politique de lutte contre l'immigration illégale à leur avantage. Résultat : ces deux pays “bénéficient d'une oreille attentive de l'Union européenne”. “On a créé, par absence de politique commune de sécurité en Méditerranée, un véritable rideau dont on ne voit pas comment en sortir”, a précisé le conférencier, citant entre autres l'approche “dure” de l'UE en matière de sécurité de l'approvisionnement énergétique. Plus loin, ce dernier a laissé clairement entendre que la région méditerranéenne englobe “dans la réalité” un certain nombre de conflits et problèmes, tels que le conflit israélo-palestinien, le problème chypriote, la question du Sahara occidental et ses conséquences sur le couple Algérie- Maroc, ainsi que les questions liées au terrorisme et à l'immigration clandestine. Pourtant, l'intervenant a admis que “l'identification des politiques communes est fortement encouragée” entre les deux rives. Il a également fini par concéder que la vision sécuritaire de l'Europe “n'est pas la même” que celle des pays du sud de la Méditerranée. À titre indicatif, sur la question de l'immigration clandestine, l'Europe préfère s'appuyer sur le voisin marocain qui joue “le rôle d'Etat gendarme” au lieu d'investir en amont. D'après Luis Martinez, le problème de fond renvoie non seulement à la différence dans les intérêts de chaque rive, mais aussi à celle de la vision sur “la politique régionale”. Un autre constat est alors fait par le chercheur : aujourd'hui, “on a une union pour la Méditerranée dont on ne sait pas à quoi elle va servir”.