Vestige de la guerre froide et de ses menaces de déflagration nucléaire, mais aussi reliques d'une technologie primitive en la matière, la présence sur leur sol de ces bombes, dont le nombre est aujourd'hui estimé à 200, dérange certains pays de l'Otan, l'Allemagne en tête. Une lettre d'un genre particulier a récemment été cosignée par Berlin, Oslo, Luxembourg, Bruxelles et La Haye. Les cinq capitales européennes faisant partie de l'Otan demandent que soit discuté, avant la fin de l'année, l'avenir des bombes nucléaires américaines B61 disséminées à travers tout le vieux continent pendant la guerre froide et destinées à doter les pays européens de l'Alliance atlantique d'une capacité de riposte contre une agression nucléaire venant des Etats du Pacte de Varsovie. On a toujours ignoré le nombre exact de bombes déployées par ce dispositif appelé familièrement “le parapluie américain” par les Européens et l'emplacement précis des engins est tenu secret. Vestige de la guerre froide et de ses menaces de déflagration nucléaire mais aussi reliques d'une technologie primitive en la matière, la présence sur leur sol de ces bombes, dont le nombre est aujourd'hui estimé à 200, dérange certains pays de l'Otan, l'Allemagne en tête. Malgré le principe de la “double clé”, qui veut que le transport des engins revienne aux pilotes européens, le malaise est dû au fait que les bombes B 61, comme celle d'Hiroshima, sont conçues pour être larguées par avion et que les avions susceptibles de les transporter, à l'image des chasseurs Tornado et F16, ont un rayon d'action limité. La guerre froide n'étant plus qu'un souvenir et la nature et l'origine des menaces ayant radicalement évolué, l'intérêt militaire du dispositif est sujet à caution, selon les pays signataires. Les cinq pays ne demandent pas expressément le renvoi des bombes aux Etats-Unis. Leurs ministres respectifs des Affaires étrangères préconisent, par contre, “un grand débat sur la politique nucléaire de l'Otan”, souhait entendu par le secrétaire général de l'Alliance, le général Anders Fogh Rasmussen, puisque la question sera discutée les 22 et 23 avril prochain par les chefs de la diplomatie des pays membres. C'est l'Allemagne, appuyée par la Norvège dont le militantisme antinucléaire est une constante, qui est à l'origine de l'initiative. Depuis longtemps indisposée par les quelque vingt bombes que renfermerait la base aérienne de Büchel, à moins de 100 kilomètres du territoire français, Berlin a saisi l'opportunité d'une récente intervention du président américain Barack Obama laissant prévoir une baisse spectaculaire de l'arsenal nucléaire pour mettre sur la table le sujet qui lui tient à cœur depuis longtemps. Rien n'indique cependant que le locataire de la Maison-Blanche, en ouvrant la voie à une révision de la politique nucléaire des Etats-Unis, ait pensé aux B61 déployées en Europe. La requête allemande et des pays cosignataires ne fait d'ailleurs pas consensus dans le vieux continent et suscite même un début de polémique, ce qui n'est pas fait pour déplaire à la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et au secrétaire à la Défense Robert Gates, qui pourraient y trouver prétexte à rejeter la demande. La Grande-Bretagne et, à un degré moindre, la France reprochent discrètement à l'Allemagne une attitude hypocrite en voulant se débarrasser des bombes des l'Otan car, ce faisant, elle refuse d'être la cible de représailles nucléaires éventuelles, mais ne dédaigne pas que d'autres pays européens prennent le risque, pense-t-on à Londres notamment. L'Italie et la Turquie, deux pays méditerranéens qui abritent la majeure partie de l'arsenal nucléaire de l'Otan, ont refusé de signer la lettre proposée par Berlin. Les deux pays s'inquiètent notamment des ambitions de l'Iran de se doter de la technologie nucléaire militaire. Les pays de l'Est, anciens membres du Pacte de Varsovie, se démarquent pour leur part de l'initiative allemande et mettent en garde contre une baisse de vigilance face à la Russie. Le parapluie nucléaire américain divise donc l'Europe, qui partage néanmoins la même inquiétude : les Etats-Unis et la Russie se lancent dans des marchandages par-dessus la tête du vieux continent et à son détriment. Aussi, le sommet de Washington sur la sécurité et la non-prolifération, prévu le 12 avril, est voué à polariser toutes les attentions.