L'évolution vertigineuse du trafic et consommation de cocaïne, héroïne et cannabis inquiète Abdelmalek Sayah, directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Les différents services de sécurité, impliqués dans le combat contre ce fléau, ont constaté une hausse des saisies de plus de 546% et de 43% respectivement d'héroïne et de cocaïne en 2009. Soit 708,359 grammes d'héroïne contre 109,570 grammes en 2008 et 1 026,360 grammes de cocaïne contre 716,418 grammes en 2008. 248 personnes utilisant des prête-noms, des sobriquets et des sociétés écran dont des barons de la drogue sont activement recherchés depuis 2009. Certains l'accusant de dramatiser les choses, l'ex-procureur général d'Alger leur réplique qu'il détient des informations faisant part de développement dangereux de ce phénomène qui constitue, désormais, une menace réelle pour la société. M. Sayah indique que les saisies de cannabis ont augmenté de plus de 8 fois depuis 2006, année durant laquelle, il a été procédé à la récupération de 9 tonnes de cannabis. En 2009, les saisies de cannabis étaient de l'ordre de plus de 74 tonnes. En comparaison avec 2008, il ressort une hausse de +96% pour la résine de cannabis et +4 998,62% pour la graine de cannabis. En revanche, une baisse de 1,776 kg (-55,22%) et 8 910 plants (-83,18%) est enregistrée respectivement pour l'herbe de cannabis et plants de cannabis. “Une partie de la quantité de cannabis saisie l'a été à Béchar et Tindouf et donc était destinée à l'exportation”, précise M. Sayah. Le président de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie pense que “notre pays est confronté à un double problème : il fait face aux narcotrafiquants de cannabis, d'une part, et, d'autre part, aux filières de cocaïne implantées au Sénégal, au Mali, en Guinée. Enfin, dans les pays du Sahel où il y a un trafic monstre”. Selon lui, la filière de cocaïne et l'héroïne est essentiellement constituée, pour l'instant, d'Africains qui transitent par l'Algérie à destination de l'Europe et qui ramènent de petites quantités avec eux de cocaïne pour se faire un peu d'argent. Toutefois, il appréhende l'installation d'un grand trafic de cocaïne dans le pays, du fait notamment de son facile transport et l'apport en gain. Il y a deux ans, la marine française a intercepté, entre le Sénégal et le Cap-Vert, un bateau contenant 3 tonnes de cocaïne à destination de l'Algérie. “Les narcotrafiquants préfèrent ramener 10 kg de cocaïne au lieu d'une tonne de cannabis. Nous sommes conscients de ce danger.” Un gramme de cocaïne coûte environ 18 000 DA actuellement. “Il y a tellement d'enjeux, d'argent qu'il est devenu un trafic florissant. Les ghettos sont devenus de véritables fiefs de la drogue. Des territoires libérés. La drogue circule également beaucoup dans des endroits où il y a de forte concentration de jeunes tels que les parkings et les cafés”, soutient M. Abdelmalek Sayah. 248 personnes non identifiées par les services de sécurité sont recherchées pour leur lien avec le trafic de drogue. “Le baron de la drogue ne répond pas au cliché de voyou. Les barons sont des gens aisés, bien placés et solvables. En somme, d'un certain niveau de vie qui utilisent des sociétés écran d'import-export et font en réalité autre chose. Le baron est intouchable, mis à l'abri”, explique le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie qui a eu à traiter beaucoup d'affaires de ce genre en tant que procureur général. Il estime que tant qu'il y a moins de cannabis sur le marché européen, cela suppose que de grandes quantités restent en Algérie. Le prix du joint a baissé. La drogue est disponible. L'offre dépasse de loin la demande. “C'est terrible. La drogue est devenue un marché porteur pour les dealers. Ces jeunes, qui ne travaillent pas, trouvent un eldorado dans la commercialisation du cannabis. Le recrutement des dealers est facile. Une tonne de cannabis peut être distribuée en une journée. Quelle que soit la quantité, elle est écoulée facilement. Idem pour les psychotropes qui se vendent même dans des établissements scolaires.” En 2009, 90 630 comprimés de substances psychotropes et 990 mililitres de solution psychotrope de différentes marques ont été récupérés par les services de police et de gendarmerie. Cela suppose que des quantités aussi importantes sont proposées, à la consommation. Durant l'année dernière, les services de lutte contre la drogue ont eu à examiner 7 680 affaires dont 1 938 affaires liées au trafic et à la commercialisation, 134 liées au trafic international de résine de cannabis et d'opium, 415 affaires concernant la commercialisation de substances psychotropes et 4 affaires relatives au trafic international de la même substance. En outre, il y a eu 4 affaires de commercialisation de cocaïne, de même pour l'héroïne et 18 affaires de culture de cannabis et d'opium. Les investigations menées pour l'ensemble se sont soldées par 11 362 interpellations. Parmi eux, 11 286 nationaux et 82 étrangers. Le nombre de dealers ne cessent d'augmenter, selon M. Sayah.