Longtemps attendu, le procès en appel des cinq cadres de la Cnan a finalement été reporté. Programmé jeudi passé à la cour criminelle d'Alger, il n'aura duré que quelques minutes, avant que le président du tribunal n'annonce le report pour la prochaine session. Il a invoqué l'absence des avocats de deux prévenus. Cependant, les choses sont loin d'être aussi “claires”. La manière avec laquelle est traité le dossier des cinq cadres de la compagnie maritime Cnan, incarcérés depuis plus de cinq, et condamnés à 15 ans de prison ferme, est des plus scandaleuses. Le naufrage du navire “Le Béchar” survenu en novembre 2004, en plus d'avoir causé la mort de 16 marins, est en train de faire d'autres victimes. Bien avant jeudi, le report était l'option la plus envisageable. La raison en est des plus incompréhensibles. Ainsi, le président du tribunal aurait été membre de la chambre d'accusation du procès en première instance qui s'était déroulé en mai 2006. C'est ce qu'affirment les avocats de la défense. Une “qualité” sur laquelle la loi est pourtant claire. Effectivement, l'article 260 du code pénal indique qu'“un magistrat qui a connu une affaire en qualité de juge d'instruction ou de membre de la chambre d'accusation ne peut siéger au tribunal criminel pour le jugement de cette affaire”. Dès que le nom du juge a été connu, la défense avait, plusieurs semaines avant la date du procès, saisi le président de la cour d'Alger. Ils avaient récusé le magistrat en se basant sur l'article susmentionné. À leur demande, aucune réponse n'a été donnée. Un “silence” des plus incompréhensibles. Cette situation impose d'elle-même des questionnements. Si réellement le juge était dans la chambre d'accusation comment alors il a été désigné pour le procès en appel ? Aussi, comment a-t-il (le juge) accepté d'être désigné ? À la première interrogation, nos sources indiquent que la “bévue” aurait été constatée après la démarche des avocats. Une juge aurait ainsi été désignée pour remplacer le président du tribunal initialement choisi, mais qu'elle a dû refuser par “manque de temps”. Pour la seconde, le flou reste total. Des sources judiciaires affirment qu'un juge désigné ne peut pas se “désister” avant le procès. Ce n'est que le jour même qu'il peut prendre cette décision en pleine audience. L'absence des avocats de deux prévenus l'aurait ainsi “court-circuité” et empêché d'annoncer un éventuel retrait. Toutefois, cela reste toujours, et encore, du virtuel. Cette guéguerre de procédures judiciaires et de vices de forme dans les arcanes de la justice est devenue au fil des mois, et des années, inacceptable. Les “acteurs” semblent se mouvoir dans un jeu qui fait oublier l'essentiel, le sort des prévenus. Ces derniers ne sont devenus, au regard des avocats et des magistrats, que de simples dossiers et rien de plus. Une déshumanisation de la justice qu'on tente de faire admettre à tous, et qui ne peut plus être toléré. Dans le cas du procès de jeudi passé, cinq personnes sont sous le coup d'une condamnation de 15 ans de prison ferme. Une condamnation dont les contours avaient suscité les plus vives protestations. La base sur laquelle ils avaient été jugés n'a jamais tenu la route (voir l'édition de Liberté du 10 mars 2010) et tout le monde attendait l'heure de la réhabilitation. Le rendez-vous avait été pris jeudi passé, mais il en a été décidé autrement. L'imbroglio qui caractérise le procès des cadres de la Cnan vient confirmer encore une fois l'urgence d'une vraie réforme de la justice. Se contenter de réformettes axées sur la forme et le fond est devenu inadmissible.