La Cour constitutionnelle a privé mercredi Silvio Berlusconi de son immunité pénale, relançant la machine judiciaire à son encontre, mais le chef du gouvernement italien a immédiatement contre-attaqué, bien décidé à rester au pouvoir avec « le soutien des Italiens ». Au terme de deux jours de délibérations, les 15 magistrats constitutionnels ont jugé que seule une procédure de révision constitutionnelle et non une loi ordinaire pouvait octroyer une telle immunité. La décision a créé la surprise dans le camp Berlusconi, de l'aveu même du ministre de la Justice, Angelino Alfano. Visiblement irrité, Berlusconi a accusé « 11 des 15 juges » de la Cour constitutionnelle d'être « de gauche ». Même si l'abrogation du texte aura pour effet la reprise d'au moins deux procès à son encontre, l'un pour corruption de témoin (affaire Mills) et un autre pour faux en écriture (droits télévisés Mediaset), il s'est dit prêt à lutter et a exclu de démissionner. « Nous devons gouverner pendant cinq ans (durée de son mandat) avec ou sans loi (d'immunité) », a déclaré Berlusconi, en sortant de sa résidence romaine, le Palais Grazioli, pour aller inaugurer une exposition sur les Saints Patrons de l'Europe. Il a affirmé avoir « le soutien de 70% des Italiens » et que la décision de la Cour ne faisait que « le renforcer ». Il s'en est pris non seulement aux magistrats mais aussi à la presse « à 72% de gauche », aux émissions politiques à la télévision et même au chef de l'Etat, Giorgio Napolitano : « On sait de quel côté il est », a-t-il lancé, s'attirant une vive réplique : « Le président Napolitano est du côté de la Constitution », a dit son secrétariat. Berlusconi a qualifié les procès Mills et Mediaset d'« authentiques farces » mais a prévenu qu'il prendrait sur son temps de chef de gouvernement pour aller devant les tribunaux et « démentir tous » ses accusateurs. Il a reçu un soutien appuyé de ses ministres, ses partisans et de son principal allié, le chef de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, qui a attendu la sentence constitutionnelle à ses côtés au palais Grazioli. « Nous ne plierons pas », a indiqué M. Bossi, en affirmant que le Cavaliere « ne voulait pas non plus d'élections anticipées ». Adoptée le 22 juillet 2008, quelques semaines après la victoire de Silvio Berlusconi aux législatives, la loi Alfano gelait pour la durée de leur mandat les poursuites judiciaires contre les quatre plus hautes charges de l'Etat italien (président, président du Conseil, présidents de la Chambre des députés et du Sénat). L'ex-juge anticorruption, Antonio di Pietro, bête noire de Berlusconi, a estimé que le chef du gouvernement devait « démissionner et faire ce qu'il s'obstine à ne pas faire depuis 15 ans : l'inculper ». Pour Pier Luigi Bersani, l'un des chefs de file de l'opposition de gauche, Berlusconi doit se soumettre à la justice tout « en continuant de faire son métier » de président du Conseil. Une centaine de militants de Sinistra et Liberta se sont rassemblés devant la Chambre des députés pour réclamer le départ de Berlusconi et des élections anticipées. Mais dans les rues de Rome, la population était partagée. « C'est une sorte de coup d'Etat, la magistrature est aux mains des lobbies de gauche », a dénoncé Pierluigi un employé de 34 ans. « Ce n'est pas juste. En plus le pays est en crise et il va être encore plus déstabilisé », a renchéri Giorgio, un serveur de 40 ans. Francesco, un étudiant en philosophie de 25 ans, a dénoncé au contraire un gouvernement « qui ne vote des lois qu'en faveur de Berlusconi, pas pour le peuple ».