Il a la baraka. Ses pairs l'envient. Rien ne perturbe sa cote de popularité. Ni la crise économique qui a mis chaos son pays ni ses déboires amoureux et pas même ses dérapages verbaux. Rien à faire. Ses opposants se plantent, affaire après affaire. Le président du Conseil italien, puisqu'il s'agit de lui, est sorti indemne de ses relations avec une starlette de 18 ans quand bien même son épouse a demandé le divorce. C'es tout juste si le Cavaliere a consenti à expliquer devant le Parlement où il est majoritaire ses aventures avec la plantureuse napolitaine Noemi Letizia. C'est qu'il a poussé le bouchon en essayant de présenter sa nouvelle conquête dans une des listes de son parti aux législatives européennes ! Sur ce sujet, il dut néanmoins reculer car son parti a menacé de ruer dans les brancards. Grand seigneur, Berlusconi a également promis de s'expliquer sur les accusations de corruption figurant dans les attendus du jugement contre David Mills, cet avocat britannique condamné à quatre ans et demi de prison par le tribunal de Milan pour faux témoignage pour protéger le magna du groupe médiatique Fininvest qui appartient au Cavaliere. Quoiqu'il en soit, Berlusconi a pris soin de faire adopter une loi le protégeant de toutes poursuites judiciaires pendant son mandat. Un autre que lui aurait senti passé la colère mais pas lui. Au contraire, ses explications embarrassées et contradictoires font grimpées son audimat. Sa femme a beau dénoncer ses incartades, s'alarmer de sa santé mentale et annoncer publiquement son divorce, il est toujours au vert. Mêmes les nominations intervenues au sommet de la RAI n'ont soulevé de vives polémiques qu'au sein des initiés. Quant bien mêmes elles ont illustré une fois de plus le conflit d'intérêts d'un chef de gouvernement désireux une nouvelle fois de mettre la main sur les télévisions et radios publiques alors qu'en tant que personne privée il possède déjà la moitié du paysage audiovisuel national, les sondages n'ont pas démenti son ascension au sommet de la case favorable. L'Eglise catholique, si influente et présente dans le débat public, a demandé à ce que le Président du Conseil adopte un comportement plus sobre et a fermement condamné la politique très dure contre l'immigration menée par son gouvernement. Sans que cela ne perturbe le score de Berlusconi. N'a-t-il pas lorsqu'un terrible tremblement de terre a rasé la ville d'Aquila, déclaré aux sinistrés de se considérer comme de paisibles touristes à qui l'Etat paye gracieusement des séjours de camping ! Les sondages n'avaient pas pour autant changé. Mieux, il est encore monté dans l'estime des Italiens. De quoi faire rager ses homologues. Last but not least, presque tous les indicateurs de l'économie italienne tournent au rouge : récession, augmentation du déficit et de la dette publics, montée du chômage, creusement des inégalités sociales, accroissement de la pauvreté. N'importe où ailleurs cette avalanche de mauvaises nouvelles a mis en difficulté des pouvoirs comme chez les voisins alpins de l'Italie. Tel n'est pas le cas chez Berlusconi qui se paye le luxe de lancer comme à ses habitudes des plaisanteries pour dédramatiser, posant au pire en victime d'un complot tramé contre lui, s'attaquant aux magistrats qui, à travers lui, menaceraient tous les Italiens ! La gauche désespère devant l'arme suprême de Berlusconi : l'opinion qui lui est acquise. Alors, comment expliquer cette énigme dans un pays plutôt politisé ? Selon des initiés : la conjoncture historique. L'Italie a été profondément secouée par la crise politique du début des années 90 qui a vu s'effondrer les partis de gouvernement traditionnels et émerger de nouveaux acteurs forgés de toutes pièces par Berlusconi qui a réussi se faire passer pour un homme neuf grâce évidemment à son empire médiatique et à son exploitation des faiblesses d'une opposition de gauche incapable de proposer une réelle alternative. Berlusconi a construit un leadership adapté aux temps de la démocratie du public, de l'hégémonie culturelle via la télé et du marketing politique. Et derrière cette façade, un réseau de clients animé par le Parti de la Liberté (ex-Forza Italia), flanqué d'un puissant allié : la Ligue du Nord, qui ratissent très large, de l'extrême droite au centre. Enfin pour corser le cocktail, Berlusconi est le miroir dans lequel se voit une grande parte des Italiens chez lesquels priment, selon des sociologues, un individualisme forcené, une soif d'enrichissement associée à l'exhibition ostentatoire de l'argent et l'obsession de l'insécurité avec la peur largement répandue de l'immigration, des critères dans lesquels Berlusconi excelle. En réalité, l'ascendant d'Il Cavaliere est d'autant plus fort qu'il n'y a, pour le moment, personne pour le défier. Il gagne faute de combattants. Prodi l'a défait par deux fois.