C'est maintenant une certitude, le gouvernement israélien vit la plus grave crise avec les Etats-Unis depuis son investiture, il y a un an. L'incident diplomatique provoqué par le ministère de l'Intérieur israélien dirigé par les ultra-orthodoxes du parti Shass, opposés au processus de paix et au gel de la colonisation en Cisjordanie, vécu comme “une insulte” par Washington, n'arrête pas de soulever des vagues et de susciter des réactions qui mettent le Premier ministre de l'Etat hébreu dans une situation des plus inconfortables. L'incident est dû à l'annonce d'un projet immobilier de 1 600 logements à Jérusalem-Est, au moment où le vice-président américain était en visite en Israël et en Cisjordanie pour relancer le processus de paix à travers des négociations indirectes, initiative qui a signé l'échec prématuré de la visite. Certes, Benjamin Netanyahu a présenté ses regrets à son invité, mais cela n'a pas suffi à apaiser la colère de Washington. Après avoir été vivement critiqué par Joe Biden jeudi, le Premier ministre israélien a été sévèrement sermonné le lendemain par la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, qui a qualifié l'attitude israélienne d'“insultante”. L'Autorité palestinienne, qui avait donné son accord pour des négociations indirectes avec George Mitchell comme intermédiaire, s'est rétractée, soutenue par la Ligue arabe et bénéficiant de la compréhension des Etats-Unis. L'Union européenne a déploré l'attitude peu coopérative de l'Etat hébreu et le Quartette a réagi en faisant pression sur le Premier ministre. Pour la première fois, dimanche, le chef de l'Exécutif israélien s'est exprimé publiquement sur la question. Il a encore une fois fait part des regrets que lui inspire la controverse avec l'allié américain, sans toutefois remettre en cause le projet immobilier incriminé. “Je suggère que nous gardions notre calme et que nous ne nous énervions pas”, a-t-il déclaré aux membres de son cabinet lors de la réunion hebdomadaire. “Cela a été dommageable et n'aurait assurément pas dû se produire”, a-t-il encore reconnu après avoir confirmé la mise en place d'une équipe de hauts responsables chargée d'enquêter “sur le déroulement des évènements”. Cela est insuffisant, estime-t-on du côté palestinien où l'on conditionne la reprise des pourparlers par l'annulation “de la décision israélienne” et le renoncement à la “politique de provocation envers la partie palestinienne”. Washington n'a pas d'autre choix que de s'aligner sur cette position palestinienne minimaliste, sans quoi les Etats-Unis perdraient toute crédibilité et toute légitimité dans la conduite des négociations de paix. Sur le front intérieur aussi, la situation est loin d'être reluisante pour Benjamin Netanyahu, qui dirige une coalition hétéroclite. Il doit composer avec l'extrême droite et les ultra-orthodoxes, adeptes de la colonisation à outrance et opposés à l'idée même d'un Etat palestinien. Mais il doit faire face aussi au malaise des travaillistes, qui menacent de plus en plus ouvertement de quitter la coalition. L'opinion publique israélienne, déjà passablement agacée par les coups tordus du Mossad, qui relève de l'autorité directe du Premier ministre, dénonce de plus en plus sa politique et n'accepte surtout pas qu'il mette en péril les relations avec les Etats-Unis et leur précieux soutien. La presse n'est pas en reste. Pour illustrer la situation inconfortable de Benyamin Netanyahu, un quotidien à grand tirage a titré “Dans la fournaise”, en agrémentant sa une d'une caricature où l'on voit Obama le cuire dans une marmite. Un autre grand quotidien de Tel-Aviv, sur le même sujet, a titré “Le moment de vérité”, estimant que l'heure est venue pour le Premier ministre de choisir entre la coopération avec l'extrême droite et les ultra-orthodoxes ou l'indispensable soutien des Etats-Unis face aux nombreux défis d'Israël. En fait, la situation de Benjamin Netanyahu est devenue intenable. D'un côté, les Etats-Unis et le quartette le pressent de prendre des décisions à même de permettre la relance du processus de paix en panne depuis 2008 ; de l'autre, il sait que toute initiative allant résolument dans ce sens met en péril sa fragile coalition gouvernementale. Aussi, la crise politique semble difficile à éviter et des élections législatives anticipées ne sont pas à écarter.