La conférence des chefs de la diplomatie des pays du sahel, tenue hier à l'hôtel Sheraton, a été une occasion pour se dire les choses en face, en partenaires dans la double bataille de la sécurité et du développement dans cette sous-région africaine. Les derniers développements liés à la libération d'otages occidentaux et le rôle d'intermédiaire joué par certains Etats de la région, ainsi que les velléités interventionnistes de certaines puissances occidentales dans la région, notamment la France, ont jeté un froid sur les relations diplomatiques entre les pays de la région, mettant en danger le long et laborieux processus de coopération entamé par ces pays. Bien avant la tenue de cette conférence, un sommet devait réunir les chefs d'Etat de la région à Bamako. Maintes fois reporté, ce sommet a été renvoyé aux calendes grecques, d'autant plus que le jeu trouble des autorités maliennes, dans la gestion du dossier sécuritaire, fait d'elle le maillon faible de la coopération régionale. N'empêche les six pays de la région ont répondu à l'appel d'Alger : la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Tchad, le Niger et le Burkina Faso ont délégué leurs chefs de la diplomatie ou leurs délégués. La présence la plus remarquée fut celle du chef de la diplomatie malienne dont la présence était incertaine, en raison du froid diplomatique entre Alger et Bamako, depuis la libération de terroristes réclamés par Alger contre celle d'un otage français. Le chef de la diplomatie malienne s'est contenté de déclarer à la presse, en marge des travaux qui se sont déroulés à huis clos, que “tout va bien”. Curieusement, ce fut le chef de la diplomatie burkinabé qui a brillé par son absence lors de cette conférence “pour un empêchement de dernière minute”, dit-on, dans les couloirs de l'hôtel Sheraton. Le Burkina Faso est devenu, ces derniers temps, le terrain privilégié de repli des terroristes du GSPC. D'ailleurs, on murmure que cet Etat joue le rôle d'intermédiaire pour la libération des otages italiens et espagnols. En revanche, le chef de la diplomatie libyenne était là. Son pays, qui n'a jamais cessé de jouer un rôle prépondérant dans les crises qui secouent la région, aurait réussi à retourner les anciens membres libyens du GSPC. À l'ouverture des travaux, le chef de la diplomatie algérienne a rappelé l'objet de cette conférence. “Notre rencontre témoigne de notre prise de conscience”, avant de préciser que “la sécurité et la paix sont un préalable au développement” de la région. Pour Mourad Medelci, “le terrorisme et ses alliances avec le crime organisé constituent des menaces réelles”. Le décor ainsi planté, le chef de la diplomatie algérienne a estimé qu'il appartient aux pays de la région d'apporter, de manière concrète des réponses adéquates à ces défis. Outre l'évaluation de la situation sécuritaire, qui devient de plus en plus inquiétante, il est crucial, selon le chef de la diplomatie algérienne, d'instaurer “une coopération frontalière efficace et multiforme”. Il y a lieu de rappeler que la conférence se tient dans une conjoncture particulière marquée par une multiplication d'opérations de kidnapping de la part du GSPC et une agitation des diplomaties occidentales en direction des pays du Sahel en vue de négocier la libération de leurs ressortissants contre le paiement de rançons ou la libération de dangereux terroristes. L'Algérie, qui avait bataillé pour amener le continent africain, puis le conseil de sécurité de l'ONU, à criminaliser le paiement des rançons aux groupes terroristes, voit tous ses efforts partis en fumée, en raison des tergiversations de certains de ses partenaires et du jeu trouble de certains d'autres. Le rôle de puissance régionale, reconnu à l'Algérie, commence à être remis en cause ces derniers temps par les interventions de certaines puissances occidentales, dont la France, qui voudraient avoir une présence militaire dans la région. Il est vrai que les ressources naturelles, notamment les gisements d'uranium, intéressent de plus près ces puissances qui feraient tout pour ne pas perdre pied dans la région. S'il est vrai que l'Algérie a joué un rôle de premier ordre dans le retour à la stabilité dans le nord du Mali, en parrainant les accords d'Alger entre gouvernement et rebelles touareg, s'il est vrai aussi que l'Algérie a soutenu matériellement l'armée malienne, il n'en demeure pas moins que les pays du Sahel connaissent de sérieux problèmes de développement, que des régions enclavées restent extrêmement vulnérables et que ces pays restent, matériellement et humainement, incapables de contrôler le mouvement des groupes terroristes, et les trafiquants en tous genres, sur leurs territoires. À cela s'ajoute un effacement incompréhensible de la diplomatie algérienne devant le forcing exercé par les diplomaties occidentales en direction des pays du Sahel.