Des élections se sont ou vont se tenir dans de nombreux pays africains. Incontournables pour la démocratie et les alternances au pouvoir, indispensables également pour des sorties de crise gouvernementales, voire institutionnelles, dans le continent africain, les élections sont périlleuses, car synonymes de tricheries et de reconductions d'attelages qui ont fait la preuve de leur incapacité à gouverner normalement. Guinée, Madagascar, Côte d'Ivoire, Togo et Centrafrique ont convoqué des élections présidentielles. Ce sont vraiment des élections de tous les dangers. Dans les cinq pays, l'urne, l'acte démocratique par excellence, peut et va certainement remettre le feu aux poudres. Dans ces pays, ce n'est pas du tout la stabilité, et les tensions risquent de dégénérer à tout moment. Il suffit d'une étincelle. En Guinée, bien que la nomination par la junte militaire d'un Premier ministre issu de l'opposition ait fait l'unanimité, celle-ci reste précaire. La junte s'est débarrassée de son premier chef qui avait violé son engagement à ne pas se présenter aux élections, qui a commis un génocide dans le stade de Conakry en faisant abattre plus d'une centaine de ses opposants et promis de passer le témoin aux civils. Le pays s'y est déjà essayé à plusieurs reprises sans que rien ait changé. Alors, le risque de voir la junte militaire ne pas lâcher le pouvoir n'est pas à écarter. Les intérêts sont importants dans ce pays où sont en compétition la France, l'ancienne puissance coloniale, les Etats-Unis et la Chine. Sans compter le jeu du voisin Blaise Compaoré qui voudrait bien voir se réinstaller la capitaine Camara, mis hors jeu par ses pairs. La junte a toute latitude de faire élire un de ses membres ou un de ses hommes liges, et la dictature militaire se poursuivra sous une forme plus ou moins édulcorée. En Côte d'Ivoire, le président Gbagbo, qui s'était octroyé une rallonge de cinq années, s'est finalement décidé à aller aux urnes. Mais il n'y va pas pour perdre. Au pouvoir, il a en main tous les moyens de l'Etat. Ce qui est décisif dans les campagnes électorales en Afrique. Gbagbo s'est même payé le luxe de se rallier de nombreux ténors de l'opposition. En plus, ses partisans ont fait savoir qu'ils ne reconnaîtraient aucun autre vainqueur. Quitte à prolonger la scission du pays. La bataille fait rage avec le casse-tête des listes électorales. À Madagascar, après s'être montrée plutôt complaisante en ne condamnant pas franchement la remise en cause de tous les accords par Rajoelina, l'Union africaine veut reprendre la main. Elle vient de le mettre en garde Rajoelina, mais elle continue à vouloir ménager le lion et la gazelle. Or, c'est cette attitude mi-figue, mi-raisin qui a encouragé le président de la transition à tergiverser sous la férule, on l'oublie, d'officiers de l'armée malgache qui en réalité tirent les ficelles dans les coulisses. Au Togo, le scrutin de février a donné un avant-goût des élections à la mode africaine. Le président Faure et Gilchrist Olympio se sont affrontés comme leur père, celui de Faure a assassiné celui d'Olympio en 1963. Il n'y a pas eu d'assassinat, mais le président sortant s'est déclaré gagnant. La situation est électrique. En 2005, le bras de fer électoral entre les deux hommes ne s'était-il pas traduit pas des centaines de morts ? En Centrafrique, des élections sont prévues pour mai. Le pari électoral présidentiel et législatif s'avère périlleux dans le pays où l'insécurité demeure préoccupante dans certaines parties. En Ethiopie, les élections locales ont donné un avant-goût des prochaines présidentielles. La forte poussée de l'opposition a surpris et ébranlé le régime qui a réagi à l'africaine par une féroce répression sur laquelle les communautés africaine et internationale avaient fermé les yeux ! En mai, il n'est pas certain que l'opposition déboulonne le Premier ministre Zenawi, qui impose son pouvoir d'une main de fer. L'Ethiopie, contrairement à plusieurs pays africains, est un régime parlementaire. Le Soudan devrait connaître des élections présidentielles et législatives en mai. Mais la guerre qui est loin d'être achevée dans le Darfour menace de reprendre au sud. Ces élections sont déterminantes pour le référendum d'autodétermination qui doit décider en 2011 du sort du sud du pays. Le président Béchir doit aussi compter avec son inculpation par la Cour pénale internationale, qui limite ses déplacements à l'étranger. Le Niger lui a connu le boycott en 2009. Une exception en Afrique. Un référendum et des législatives inconstitutionnelles ont permis au président Mamadou Tandja de s'octroyer trois années supplémentaires, mais l'armée a décidé d'arrêter les frais en poussant à la porte de sortie Tandja. Elle a promis de restituer le pouvoir aux civils et, pour la première fois en Afrique, des populations ont spontanément applaudi le coup d'Etat !