La mise en œuvre de stratégies de type grappes industrielles et la construction urgente de ports de taille mondiale contribueront beaucoup à l'atteinte de l'objectif du président de la République de créer 200 000 PME à l'horizon 2009-2014. Dans une contribution versée au comité ad hoc “développement et renforcement des capacités de la PME”, qui a tenu, mercredi dernier à Alger, sa seconde réunion plénière, le Groupe Cevital a estimé que le développement des PME algériennes exige en particulier des décisions dans deux directions majeures : une stratégie de création de PME fondée sur le principe des “grappes industrielles” et la construction de ports de taille mondiale pour desserrer l'étouffement de l'économie nationale. Pour Cevital, le développement des PME algériennes ne peut pas reposer uniquement sur l'initiative entrepreneuriale. Dans une économie mondialisée, explique-t-on, seule la compétitivité peut assurer un développement durable, à travers une offre de produits aux standards de qualité internationale, avec des prix suffisamment concurrentiels. Cevital estime que “ces performances sont à notre portée si les PME algériennes peuvent valoriser les avantages compétitifs réels dont dispose l'Algérie”, à savoir les ressources naturelles abondantes, le coût de l'énergie compétitif, l'importance du marché interne et la proximité des grands marchés internationaux. Le Groupe Cevital explique que la stratégie de “grappes industrielles”, “consiste à organiser intelligemment ces avantages compétitifs pour que les PME algériennes soient capables de les valoriser”. Une façon de le faire, c'est décider d'investissements génériques, sous forme de projets locomotive, capables d'entraîner des projets dans toute une filière ou sous-filière, en donnant naissance à des milliers de PME. L'effet d'entraînement obtenu crée une dynamique entrepreneuriale qui bénéficiera des synergies entre les acteurs. Cevital a identifié plusieurs secteurs industriels où des possibilités réelles existent pour créer des PME ultracompétitives, organisées en grappes industrielles. Il cite entre autres la pétrochimie, la sidérurgie, la chimie, le verre, l'agroalimentaire et l'agriculture. “Le propane est l'un des exemples où on peut créer une grappe industrielle avec des PME fortement compétitives”, lit-on dans la contribution du Groupe Cevital, précisant que la valeur ajoutée peut être multipliée par un facteur supérieur à 10 avec la transformation locale du propane. Cevital cite l'exemple de sacs en raphia. Avec 600 000 tonnes de sucre, Cevital fait tourner cinq usines de fabrication de sacs. En passant à 1,6 million de tonnes, ce sont 15 usines qui devront être créées. Aussi, l'industrie du ciment avec 16 millions de tonnes nécessite plus de 150 usines. Les céréales et les engrais peuvent faire travailler plus d'une centaine d'usines. “Ainsi l'industrie algérienne a besoin de près d'un millier de PME pour la fabrication de sacs en raphia”, souligne le Groupe Cevital, qui a déjà étudié l'opportunité de créer une unité de transformation de propane pour fabriquer du polypropylène. Le projet, soumis en septembre 2008, est en attente de décision du Conseil national d'investissement (CNI). À lui seul, le projet de Cevital en tant que projet locomotive est capable de revitaliser plus de 800 PME existantes dans les emballages et films plastiques, aujourd'hui moribondes, et aider à créer plusieurs milliers de nouvelles PME dans divers produits : textiles non tissés, plasticulture, composants automobiles… “Au bout de cinq années, avec le lancement du projet polypropylène, l'Algérie pourra disposer d'un secteur plastique fortement compétitif, inséré solidement dans les échanges mondiaux”, affirme Cevital, ajoutant que “l'industrialisation de la sous-filière peut ainsi transformer l'Algérie de pays importateur en un pays exportateur net dans ce type de produits, avec la création de plus de 150 000 emplois directs et durables”. Cevital a identifié plusieurs autres projets locomotive à des grappes industrielles. Les quatre projets, Polypropylène (à Arzew), le complexe sidérurgique de 5 millions de tonnes d'acier liquide (Bellara, Jijel), la trituration de graines oléagineuses (Béjaïa) et les semences de pommes de terre (El-Hamiz, Alger), peuvent créer à eux seuls 8 000 emplois directs et plus de 150 000 autres dans les PME des grappes industrielles correspondantes. Malheureusement, l'ensemble de ces projets sont toujours en souffrance auprès du ministère de l'Industrie. “Retarder davantage ces projets locomotive, c'est amputer l'économie nationale d'opportunités exceptionnelles de croissance et de création de plus de 250 000 emplois durables”, estime-t-on. L'Algérie perd 2 milliards de dollars à cause de la faiblesse de ses capacités portuaires Deux raisons font qu'il devient impératif pour l'Algérie de construire de nouveaux ports de taille mondiale : le fret maritime s'est complètement transformé durant les 20 dernières années avec la massification du transport maritime et par la révolution de la containerisation. Les exigences de coût font que les stratégies de grappes sont encore plus puissantes lorsqu'elles se déploient dans les zones d'activités portuaires. Or l'Algérie dispose, aujourd'hui, de ports de très faibles capacités et totalement étouffés par le tissu urbain. La plupart des ports algériens, construits à l'époque coloniale, ne disposent d'aucune possibilité réelle d'extension. Seulement deux ports commerciaux ont été construits depuis l'Indépendance, le port d'Arzew, spécialisé dans les hydrocarbures, et le port de Djen Djen, loin d'avoir une taille, ont des atouts comparables à ceux des ports mondiaux modernes. Les faibles capacités de Djen Djen font que ce port ne peut pas être un port d'éclatement sur les grandes lignes maritimes transocéaniques. Le Groupe Cevital indique que l'absence de ports de taille mondiale pénalise lourdement l'économie algérienne. L'Algérie perd 2 500 dollars sur le fret avec l'Asie par rapport à l'Europe ou le Maroc. Avec l'Europe, notre pays perd près de 1 350 dollars de compétitivité par container par rapport au Maroc vers la même destination. Pour le transport en vrac, l'Algérie perd jusqu'à 60 dollars la tonne à cause de la faiblesse de ses capacités portuaires. Hors hydrocarbures, l'Algérie importe chaque année 26 millions de tonnes de marchandises diverses et de matières premières et en exporte un peu plus de 4 millions de tonnes. Avec un handicap de 60 dollars la tonne transportée, c'est donc plus de 2 milliards de dollars perdus chaque année par l'Algérie et cela depuis plus de quarante ans. De quoi construire un port de taille mondiale. Aujourd'hui, les frais de transport pouvant aller jusqu'à 40% du coût des produits fabriqués, les avantages du coût du fret deviennent décisifs dans la compétitivité mondiale. “Si l'Algérie ne construit pas de ports de taille mondiale, sa compétitivité industrielle sera irrémédiablement compromise avec peu de chances de se positionner à l'international. Le pays perdrait tous ses avantages comparatifs avec l'érosion des marges qu'il est capable de dégager. Sans compter que ces importations continueront toujours à être lourdement grevées par les coûts du fret”, souligne le Groupe Cevital. Beaucoup de pays l'ont compris et ont investi massivement dans la construction de ports de taille mondiale. Tanger-Med (Maroc) et Damiette et Port-Saïd (Egypte) sont aujourd'hui des ports de taille internationale sur la rive sud de la Méditerranée. Cevital plaide pour la construction de trois ports de taille mondiale Cevital estime qu'il est impératif pour l'Algérie de se doter rapidement de trois ports de taille mondiale à Mostaganem pour l'Ouest, à Cap Djinet pour le Centre et entre Skikda et Annaba à l'Est. Ces trois ports devront être conçus comme des ports dits de 4e génération, en d'autres termes, de véritables plateformes portuaires offrant des zones d'activités capables d'accueillir des grappes industrielles. Leur construction ainsi que leur gestion devront s'appuyer sur les formules qui ont fait leurs preuves : association public-privé, BOT… L'opportunité de construire le port du Centre à Cap Djinet a été démontrée par pas moins de quatre études réalisées par des bureaux d'études étrangers. Cevital a préparé une ébauche pour la configuration industrielle du port de Cap Djinet en partenariat avec les pouvoirs publics. Le port devrait être érigé en véritable zone d'activités portuaires, doublé d'un hub pour en faire un port d'éclatement, une plate-forme pouvant accueillir plus d'un millier de PME.