Il arrive que l'insécurité sanctionne le rendement des étudiants universitaires. Ils vivent quelquefois un vrai calvaire, au risque même de perdre la vie. Le constat a été fait par des membres du comité estudiantin de la cité Oued Aïssi de Tizi Ouzou, un pôle de plus de 3 000 étudiants. Une insécurité qui pénalise le fonctionnement de l'université. “Pas de restauration sans sécurité performante et pas de rendement pédagogique aussi sans cette condition sine qua non”, estime un syndicaliste. Selon nos interlocuteurs, les étudiants se font agresser dans les campus, dans les salles de cours, devant leurs profs. Les restos sont souvent pris d'assaut par des extra-universitaires, des voisins de la cité bien connus “des agents de sécurité de la résidence !” rapportent les étudiants. Dimanche 14 mars, vers 20 heures, un groupe de jeunes individus, accompagnés de leurs dangereux chiens, fait irruption dans la cité universitaire d'Oued Aïssi. La scène paraissait ordinaire pour les résidants des lieux qui ont l'habitude d'en voir chaque soir. “Il ne faut pas vous étonner, il arrive pire ici, dans cet endroit censé héberger de futurs cadres”, dira un étudiant. En effet, il ne se passe pas une semaine sans que l'on dénombre une agression à l'arme blanche. Tard dans la soirée du même jour, un individu d'une trentaine d'années, au comportement suspect, à moitié ivre, une hache “maladroitement” dissimulée sous son veston, fait irruption dans la cité. Il lance des insultes et des provocations à l'égard des résidants, terrorisés. L'intrus ose uriner “publiquement” devant la porte d'entrée de la salle de lecture. Ses besoins satisfaits, il entre dans la salle pour semer la pagaille, “casser de l'étudiant” ; des chaises sont renversées sur son passage, les occupants prennent la fuite et désertent les lieux. “On ne peut rien faire, ces gens-là n'ont rien à perdre, on ne peut pas leur faire face, ce serait risquer bêtement sa vie. Et comme vous voyez, nous ne bénéficions d'aucune protection, d'aucune sécurité. L'université est souvent livrée aux agresseurs et aux voyous. Prendre des risques avec pareils énergumènes, inconscients, drogués, qui ne cherchent que la petite bête pour se "défouler" de la vie du malheureux étudiant, ce serait la perte dans tous les sens. Alors, mieux vaut battre en retraite pour éviter d'autres problèmes. Les franchises universitaires ? Ça n'existe plus !” Ce que les étudiants redoutent le plus, ce sont les représailles. Alors une loi du silence qui ne dit pas son nom semble régner au-dessus de ce beau monde et de l'administration censée protéger les lieux. À Oued Aïssi, ceux qui essayent de se défendre sont vite identifiés, puis agressés à l'extérieur du campus, au niveau de la passerelle ou du “virage de la mort”. Des parages insalubres infestés par la pègre locale qui y fait sa loi : règlements de compte, vols et agressions se succèdent, parfois au grand jour. Les gens se laissent délester de leur argent, de leurs téléphones portables, de leurs bijoux, sacs de voyage, de tous les biens qu'ils auraient eu le malheur de porter sur eux. “Ces actes entrent dans le fonctionnement quotidien de l'université”, nous apprend-on. La sécurité de la résidence dépend de… Draâ Ben Khedda, soit à plus de 20 km. Ce qui exclut toute possibilité d'intervention des gendarmes ou de dépôt de plainte. Dans une déclaration rendue publique, le Comité des cités de Oued Aïssi (CCOA) dénonce le marasme et l'insécurité ambiants qui règnent dans les cités universitaires. Ces dernières sont devenues “des bidonvilles où les délinquants de tout acabit rodent en totale quiétude en maîtres des lieux”, avec la bénédiction de l'indifférence des autorités concernées. Un état de fait qui a son impact direct sur le cours et le niveau du cursus des étudiants, dont certains, garçons comme filles, optent pour l'abandon, à défaut de pouvoir poursuivre leurs études dans un climat dégradant, ou d'obtenir d'affectation. On nous apprend que des travaux de réalisation d'une clôture de sécurité sont déjà lancés. On nous dit aussi qu'une entreprise de gardiennage privée serait engagée pour sécuriser le campus, mais il faut bien admettre que pour cela, il faudrait d'abord commencer par les alentours où un danger est encouru en permanence par les étudiants, nous confie un voisin des lieux.