La rue oranaise a tout simplement décidé de zapper l'information relative à l'arrestation de six cadres Sonatrach Aval dans une affaire de passation de marché en violation du code des marchés publics. Si la nouvelle de l'implication des cadres de l'activité Aval a ébranlé la petite sphère des pétroliers d'Oran, le citoyen lambda semble à mille lieues des soubresauts de l'enquête judiciaire qui a déjà décapité la compagnie pétrolière. Hier, rares sont ceux qui tentaient d'évoquer la question du jour plus par ignorance du dossier que par souci d'objectivité. En effet, les Oranais sont plus intéressés à commenter leur quotidien et les éternels chantiers qui n'en finissent plus que par une histoire qui ne les regarde ni de près ni de loin. Pourtant, et au milieu de cette indifférence somme toute compréhensive, certaines voix se sont élevées pour dénoncer cette “dérive” qui caractérise ces derniers mois le fleuron des entreprises nationales. “C'est grave ce qui vient de se passer”, dira Rachida, 30 ans, travaillant dans le monde de l'art à l'évocation du dossier Aval même si elle avoue ne rien connaître ni des tenants ni des aboutissants de l'affaire. Pour Adlène, cadre dans une société privée, même s'il reconnaît ne pas avoir entendu parler du mandat de dépôt, il pense néanmoins qu'à moins de vingt jours de la tenue du GNL 16 à Oran, ce qui se passe est “terrible” pour l'image de marque de la Sonatrach et de l'Algérie. Samir, la quarantaine, commerçant s'inquiète des répercussions internationales et de l'avenir pétrolier de l'Algérie lorsqu'on pense que l'entreprise leader du secteur est noyée dans des affaires de corruption. D'autres y voient un désaveu complet du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, dans la mesure où ces présentations devant le juge instructeur ont eu lieu le jour même de la visite du ministre à Oran. “Y a-t-il corrélation ?” s'interroge Nadjiba, enseignante dans le secondaire. “Y a-t-il prolongement avec le scandale Sonatrach à Alger ?” s'interrogent pour leurs parts des sources proches du dossier algérois, qui estiment que certains inculpés d'Alger seraient également impliqués dans cette nouvelle affaire. Mais pour le commun des Oranais, cette affaire est un non-événement tout comme la prochaine tenue du GNL 16 si ce ne sont les trémies qui ont été réalisées sur le parcours des cortèges officiels en direction du Centre des conventions d'Oran ou encore l'embellissement des giratoires. “On n'a rien à gagner avec leurs histoires de gros sous, tout le monde vole, pourquoi pas eux ?” s'indigne Houari, vendeur de cacahuètes devant l'éternel. Son compagnon, victime de l'école de Benbouzid, ne cache pas son air ravi de voir des “maqlette” tomber comme de vulgaires voleurs à la tire. “Mais il ferait bien de s'intéresser à tous les services”, dira-t-il entre deux sourires qui découvrent des chicots dont il semble fier. La ville attend, pour sa part, une hypothétique visite du président de la République, histoire de voir encore quelques rues prises en charge.