La visite du Premier ministre isralien à Washington, qui s'est terminée jeudi en queue de poisson, a laissé perplexes plus d'un, surtout après le black-out médiatique qui a entouré son tête-à-tête avec le président américain. Pas une image, pas une déclaration à se mettre sous la dent à l'issue de la rencontre, et ce en contradiction totale avec le protocole généralement en vigueur, en pareille circonstance, à la Maison-Blanche. Barack Obama n'a même pas daigné raccompagner son invité sur le perron de l'auguste résidence comme il a l'habitude de le faire avec ses visiteurs distingués. Après un entretien plus court que prévu, que les premières indiscrétions qualifient de houleux, Benjamin Netanyahou est sorti seul, le visage fermé, sans le moindre mot à l'intention de la presse. En Israël, en dépit des déclarations du Premier ministre, qui se veut rassurant en prétendant que des compromis ont été trouvés entre les deux parties, on estime que la crise entre Washington et Tel-Aviv s'est aggravée et que le Premier ministre a été traité comme un vulgaire dictateur au pays d'Abraham Lincoln. Le président Shimon Pérès lui-même a reconnu que Benjamin Netanyahou “n'est apparemment pas parvenu à s'entendre avec les Etats-Unis d'Amérique”. Les deux plus importants journaux israéliens, Yedioth Ahronoth et Maariv, titrant jeudi sur le retour du Premier ministre, ont estimé qu'il était “dos au mur”, tandis que le quotidien de gauche Haaretz évoquait “une dégradation de la crise avec les Etats-Unis”. Il faut dire que le chef de l'Exécutif israélien, en confirmant devant le congrès du lobby juif-américain de l'AIPEC sa fin de non-recevoir aux doléances de Washington concernant le gel de la colonisation en Cisjordanie, n'a pas emprunté une voie propice à l'apaisement des tensions entre Israël et son meilleur allié. Intervenant juste après les propos conciliateurs de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et avant son rendez-vous crucial avec le président Obama, ses propos particulièrement fermes, qui traduisent l'inflexibilité du gouvernement Netanyahou sur la question des colonies dans les territoires occupés, ont été interprétés comme une provocation. Surtout qu'au même moment, on annonçait à Jérusalem la construction d'un nouveau lot de logements dans la partie arabe de la ville. “Au mieux un pied de nez, au pire un bras d'honneur !” a-t-on commenté dans les milieux avertis de Washington. Dès lors, il ne pouvait surtout pas espérer un accueil chaleureux à la Maison-Blanche. Rentré jeudi soir en Israël, Netanyahou devait réunir en urgence le cabinet de sécurité nationale. Mais avant même la tenue de la réunion, son suppléant Sylvan Shalom a déclaré que “la poursuite de la construction à Jérusalem n'est pas négociable”. Si le gouvernement cède sur ce point, “il tombe immédiatement”, a-t-il affirmé. Or, selon la presse israélienne, Barack Obama “a mis en demeure” le Premier ministre de stopper les constructions dans la partie orientale de Jérusalem dont l'annexion, en 1967, n'est pas reconnue par la communauté internationale. Poussé dans ses derniers retranchements, Netanyahou devra choisir entre la cohésion de sa coalition de droite et les concessions pour la paix exigées par Washington et la communauté internationale. Il doit faire le choix entre, d'un côté, “les durs du Likoud (son parti, ndlr) et leurs alliés” de l'extrême droite et, de l'autre, “le reste du monde”, a commenté l'éditorialiste de Maariv. Netanyahou “s'est lui-même enferré dans cette situation sans issue, car sa coalition n'est pas en mesure d'aller de l'avant dans le processus de paix”, a estimé un analyste qui a occupé de hautes fonctions dans le dernier gouvernement travailliste. “Cela ressemble à la quadrature du cercle !” a renchéri le chef de cabinet de l'ancien Premier ministre Ehud Barak. Selon toute vraisemblance, il resterait tout de même une issue à Netanyahou pour tenter d'aplanir ses différends avec Washington. On estime dans les milieux politiques de Tel-Aviv qu'il pourrait se débarrasser de ses alliés radicaux en intégrant dans sa coalition les centristes de l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni. Mais une telle réorientation au centre de sa coalition n'aurait pas l'agrément des éléments les plus radicaux de son propre parti. De plus, la manœuvre ne serait payante que si les démêlés avec Washington relèvent de la simple crise de confiance entre le président Obama et lui, et non de différends plus profonds. Encore faut-il que Tzipi Livni elle-même accepte de se “mouiller” au moment où elle tient peut-être sa revanche contre le patron du Likoud, qui l'a coiffée au poteau à l'issue des dernières législatives, alors que son parti (Kadima) est arrivé en tête du scrutin.