Liberté : Où en est la mise en œuvre du plan national de lutte contre le chômage ? Tayeb Louh : Avant de vous présenter le point de situation concernant la mise en œuvre du plan national de lutte contre le chômage, il est important de souligner que la politique menée par les pouvoirs publics depuis ces dernières années, à travers notamment la mise en œuvre d'ambitieux programmes de développement, s'est traduite par une tendance continue à la baisse du niveau du chômage dans notre pays qui est passé de 29,3 % en 1999 à 11,3% en 2008 et à 10,2% en 2009. Concernant la mise en œuvre du plan d'action pour la promotion de l'emploi et la lutte contre le chômage qui, pour rappel, a commencé le 1er juin 2008, force est de constater qu'elle s'est traduite déjà par des résultats significatifs dans les sept axes constitutifs du plan d'action. - Ainsi, en ce qui concerne l'appui à l'investissement dans le secteur économique créateur d'emplois et des incitations à la création d'emplois en direction des entreprises, il convient de mentionner l'introduction dans la loi de finances complémentaire pour 2009 de mesures favorisant la création d'emplois, l'investissement dans la petite et moyenne entreprise, en général, et dans les secteurs de l'agriculture et du tourisme, en particulier. Il s'agit notamment : - de la bonification du taux d'intérêt des crédits accordés par les banques aux jeunes promoteurs prise en charge par le compte d'affectation spéciale n° 302.087 est fixée respectivement à 60%, 80% et 95%, selon la nature et la zone géographique d'implantation du projet du doublement de la dotation du fonds de garantie mutuelle des crédits aux jeunes promoteurs, qui passe de 20 à 40 milliards DA ; - de la création par les banques au niveau de chaque wilaya d'un fonds d'investissement destiné à accompagner les jeunes investisseurs et à promouvoir la PME /PMI ; - de la prorogation de deux (02) années de la période d'exonération fiscale pour les activités des jeunes promoteurs d'investissements lorsqu'ils s'engagent à recruter au moins cinq (05) employés à durée indéterminée ; - de la prise en charge par l'Etat d'un abattement de la quote-part patronale de cotisation à la Sécurité sociale en faveur des employeurs recrutant des demandeurs d'emplois. Cet avantage vient s'ajouter aux avantages déjà consentis par la loi n° 2006-21 du 20 dhou el kaada 1427 correspondant au 11 décembre 2006 relative aux mesures d'encouragement et d'appui à la promotion de l'emploi qui sont prises en charge par la Caisse nationale d'assurance chômage ; - de l'allongement de 3 à 5 ans de la durée d'exonération de l'Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) et de la Taxe sur l'activité professionnelle (TAP) au profit des entreprises créant plus de 100 emplois au démarrage de leur activité ; - du relèvement du niveau maximum de 50 millions de DA à 250 millions de DA de la garantie financière accordée par la Caisse de garantie des crédits d'investissement - petite et moyenne entreprise - société par actions (CGCI-PME-Spa) en couverture des crédits contractés par les PME au titre du financement de leurs investissements. Par ailleurs, la loi de finances pour 2010 a prévu des facilitations en matière de paiement de l'Impôt sur le revenu global (IRG), ainsi que des dispositions en faveur de l'investissement dont : - l'extension du champ d'intervention du Fonds pour la promotion de la compétitivité industrielle, aux investissements matériels et immatériels de mise à niveau et à la réhabilitation des zones industrielles et d'activité ; - la création d'un fonds pour les énergies renouvelables destiné au financement d'actions et de projets relevant des énergies en question ; - la création d'un fonds de développement de l'industrie cinématographique. Ceci étant, il convient de signaler que nous avons organisé à l'intention des entreprises, à travers les organisations patronales et syndicales, une journée d'information le 22 février 2010 destinée à vulgariser les mesures d'appui à la promotion de l'emploi. À cet effet, l'accent a été particulièrement mis sur les mesures d'abattement de la part patronale de la cotisation de Sécurité sociale en faveur des employeurs qui recrutent des demandeurs d'emploi introduits par la loi 2006/21 du 11 décembre 2006 et la loi de finances complémentaire pour 2009. - Dans le cadre de la promotion de la formation qualifiante en vue de faciliter l'insertion dans le monde du travail, il importe de souligner que la formation en milieu professionnel a été particulièrement encouragée par l'Etat à travers un soutien financier aux employeurs qui participent aux actions de formation au profit de leurs travailleurs et aux maîtres artisans qui encadrent les demandeurs d'emploi. Par ailleurs, un certain nombre d'actions ont été initiées en vue de favoriser la formation de la main-d'œuvre locale notamment : - la mise en place d'un programme de partenariat entre les acteurs économiques et sociaux et le système de formation ; - la mise en place, à compter d'octobre 2009, de formations intensives d'une durée égale ou inférieure à 6 mois au profit de différentes catégories de populations dont les diplômés de l'enseignement supérieur ; - l'augmentation de l'offre de formation pour la rentrée d'octobre 2009 de 60 % par rapport à la rentrée de septembre 2008 ; - l'identification des métiers déficitaires sur le marché du travail et le lancement d'une action spécifique en direction des demandeurs d'emploi âgés de 16 ans à 20 ans pour leur assurer une formation d'une durée de six mois dans les métiers déficitaires, à l'issue de laquelle ils seront placés au niveau des entreprises. Actuellement 8 445 jeunes suivent une formation qualifiante dans les filières relevant du bâtiment, des travaux publics, de l'agriculture et du tourisme. Concernant la promotion de l'emploi des jeunes qui, comme vous le savez, représentent 70% des demandeurs d'emploi, un nouveau mécanisme de prise en charge des jeunes primo-demandeurs d'emploi a été créé et mis en place à partir de juin 2008. Ce nouveau dispositif, qui repose sur un traitement économique du chômage, est composé de trois (03) contrats d'insertion selon le niveau de formation et de qualification des jeunes, à savoir les universitaires et techniciens supérieurs, les sortants de la formation professionnelle et du cycle secondaire et, enfin, les jeunes sans qualification. Depuis le lancement du dispositif, au 31 décembre 2009, ce programme a permis l'insertion de 441 914 jeunes primo-demandeurs d'emploi répartis comme suit : - 137 103 contrats d'insertion des diplômés (CID) ; 105 694 contrats d'insertion professionnelle (CIP) ; 199 117 contrats formation insertion (CFI). Pour la seule année 2009, grâce au dispositif d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes, le bilan s'établit à 277 618 placements, soit près de 93% de l'objectif annuel fixé à 300 000 placements. Le nouveau dispositif est caractérisé par un meilleur accompagnement des jeunes en milieu professionnel, à travers notamment des actions de formation et de perfectionnement sur site en vue d'améliorer leur employabilité à travers la formule des contrats formation/ emploi. En outre, des actions ont été engagées en direction des entreprises à travers, notamment la signature de conventions dans le but de favoriser le traitement du chômage des primo-demandeurs d'emploi. Dans ce cadre, il importe de signaler la signature de conventions entre l'ANEM et l'ONA pour le recrutement de 733 primo-demandeurs d'emploi ainsi qu'avec la SNTF pour le recrutement de 869 primo-demandeurs d'emploi. Par ailleurs, à l'issue des périodes d'insertion, le dispositif a prévu un nouveau type de contrat, à savoir le contrat de travail aidé (CTA), qui prévoit la subvention par l'Etat des coûts salariaux dans le cas d'un recrutement durable par les employeurs, des jeunes placés en contrat d'insertion. 11 021 jeunes ont bénéficié de contrats de travail aidés. Toujours dans le cadre de l'emploi des jeunes, de profondes réformes au plan qualitatif ont été apportées au développement de la microentreprise et de l'entreprenariat afin de mieux répondre aux attentes des jeunes promoteurs et de réaliser des projets bancables. Pour l'année 2009, 57 915 emplois durables ont été induits par la création de 20 890 microentreprises, et ce, pour les deux dispositifs gérés par l'Ansej et la Cnac. Il y a lieu de noter que ces dispositifs, grâce aux décisions du CIM du 6 juillet 2008, qui leur a été consacrées, ont permis de doubler le nombre de projets réalisés. Pour ce qui est de la réforme et de la modernisation de la gestion du gestion du marché du travail, il convient de rappeler qu'un important programme de modernisation et de réhabilitation du service public de l'emploi a été mis en œuvre depuis 2007. Ce programme a permis de renforcer l'Anem tant du point de vue de la densification de son réseau infrastructurel que de la valorisation de ses ressources humaines à travers des programmes de recrutement, de formation, de perfectionnement et de recyclage des personnels techniques, notamment. Ceci s'est traduit par une amélioration très sensible des prestations en direction des employeurs et des demandeurs d'emploi. Compte tenu de cette amélioration, l'Anem s'est vu confier, depuis l'année 2008, la gestion du Dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP). En termes d'évaluation pour l'année 2009, l'Anem a réalisé au total (DAIP et placement classique) 447 051 placements, alors qu'elle ne réalisait en moyenne annuelle que 25 000 durant la période 2000-2002. Enfin pour ce qui est du mécanisme de suivi et de contrôle, le texte portant création de la commission nationale de la promotion de l'emploi vient d'être adopté par le gouvernement en mars 2010. Cette commission sera mise en place prochainement et sera chargée du suivi, du contrôle et de la coordination intersectorielle de la politique nationale de l'emploi. Le chômage des jeunes reste important. Pouvez-vous présenter les mesures les plus importantes arrêtées pour inverser la tendance ? La démarche suivie dans le cadre de la mise en œuvre du plan d'action est orientée en priorité sur la concrétisation des mesures contenues dans les 4e et 5e axes du plan que je viens d'indiquer, à savoir la promotion de l'emploi des jeunes et l'amélioration et la modernisation de la gestion du marché du travail. En outre, notre secteur s'appuie sur deux leviers importants, utilisés dans beaucoup d'expériences internationales réussies pour traiter efficacement les besoins d'insertion professionnelle de cette frange de population, à savoir le développement de l'entreprenariat à travers l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (Ansej) et la Caisse nationale d'assurance chômage (Cnac). Ces dispositifs de traitement économique du chômage qui permettent de réaliser un double objectif, à la fois réduire le chômage des jeunes et développer la création de richesses, ont été renforcés et dynamisés par une série de mesures prises en juillet 2008. Les plus significatives concernent : - le financement des projets par l'assouplissement des décisions d'octroi des crédits et la décentralisation du crédit bancaire et des aides de l'Etat au niveau de la wilaya ; - un accompagnement personnalisé des jeunes promoteurs qui sont encadrés et suivis par les agences jusqu'à l'aboutissement de leurs projets ; - l'extension du réseau des agences pour assurer des actions de proximité touchant le maximum de jeunes, notamment dans les régions enclavées du pays ; - la mise en place d'un comité de sélection, de validation et de financement des projets, chargé de la validation et du financement des projets et partant assure une plus grande implication des acteurs locaux dans le processus de création de microentreprises reposant essentiellement sur la valorisation des ressources locales caractérisée par plus d'équité et de transparence ; - la mise en œuvre de ces mesures s'est traduite par des résultats positifs. En effet, près de 76 000 (75 572) emplois durables ont été générés par 28 836 microentreprises portées par les promoteurs pour la seule année 2009, soit le double des emplois créés durant l'année 2008 qui a enregistré 37 400 emplois induits par la création de 13 189 projets d'investissement. Quelle est la part des dispositifs Ansej et Cnac dans la création d'emplois en Algérie ? Sachant que le dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP) a permis la création de 277 618 postes d'emploi pour l'année 2009, la part des emplois créés par l'Ansej et la Cnac représente 27,4% du total des emplois. Un programme quinquennal couvrant la période 2010-2014 vient de démarrer cette année. Pouvez-vous nous en dire plus en ce qui concerne les objectifs retenus en matière de création d'emplois ? S'agissant des perspectives à moyen terme, il convient de rappeler que le programme de Son Excellence le président de la République pour la période 2010-2014 a fixé un objectif de création de 3 000 000 emplois. Le prochain quinquennat va être marqué par la poursuite de l'effort de développement et par la poursuite de la mise en œuvre du plan d'action pour la promotion de l'emploi et la lutte contre le chômage. Dans ce contexte, les secteurs de l'agriculture, des services et du BTPH, qui représentent à eux trois 59% de la création nette d'emplois de la période 2000-2008, continueront à être les principaux pourvoyeurs d'emploi durant la période 2010-2014, compte tenu des importants programmes retenus dans le cadre du prochain plan quinquennal dans le BTPH et de l'impact attendu de la politique du renouveau agricole et rural pour l'agriculture. Cependant, il est attendu une amélioration sensible de la création d'emplois au niveau du secteur de l'industrie suite aux récentes décisions prises par le gouvernement visant à encourager l'emploi, favoriser la production nationale, notamment dans des secteurs tels que les industries pharmaceutique et mécanique et l'agroalimentaire, ainsi que l'investissement dans des créneaux générateurs d'emplois.
