Pékin est au centre de toutes les sollicitudes dans le cadre du dossier nucléaire iranien. Téhéran, qui affirme que de nouvelles sanctions à son encontre ne feraient que favoriser son autonomie et son potentiel technologique, assure partager avec les responsables chinois la conviction que ces sanctions seraient inutiles. Washington, par la voix de sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton a fait part, a contrario, de son sentiment d'une “conscience croissante” des autorités chinoises du danger que représenterait pour la région et pour le monde une nucléarisation de l'Iran. Aussi pense-t-elle que les Chinois semblent faire mouvement pour rejoindre le camp des nations favorables aux sanctions. C'est, en tout cas, l'objectif recherché par l'échange téléphonique du 2 avril entre Barack Obama et Hu Jintaho. L'hypothèse du refus de la Chine et/ou de la Russie de cautionner un renforcement des sanctions contre Téhéran, c'est-à-dire dans l'impossibilité d'obtenir l'aval du Conseil de sécurité des Nations unies, la France évoque déjà, par des voix officielles non autorisées, la mise en œuvre unilatérale de ces sanctions par l'Europe et les Etats-Unis. C'est ce qui serait colporté à Washington dans la foulée de la visite de Nicolas Sarkozy. Optimiste, le président américain a, quant à lui, foi en sa capacité de convaincre les pays récalcitrants et affirme que la pression sur le régime iranien s'exercerait “avec une communauté internationale unie”. Libéré quelque peu de ses contraintes internes après avoir réussi à faire adopter une version revue et corrigée de sa réforme de la santé, Barack Obama semble décidé à jeter toutes ses forces dans la bataille pour donner son ultime chance à un dénouement pacifique, en contraignant l'Iran, d'un commun accord avec la communauté internationale, à renoncer à tout programme nucléaire militaire. Il en aura précisément l'occasion les 12 et 13 avril prochain à Washington, à l'occasion du Sommet sur la prolifération nucléaire auquel assistera le président chinois Hu Jintaho. De la capacité des Etats-Unis et de l'Europe de convaincre la Chine et la Russie à l'occasion de ce sommet dépendront aussi l'ascendant de Washington sur Tel-Aviv et son pouvoir de l'empêcher d'entreprendre une initiative militaire intempestive. Les Israéliens n'ont jamais cessé de se préparer à des frappes aériennes ciblées contre les installations nucléaires iraniennes. Ils savent qu'une telle opération n'est pas sans risque, mais ils sont prêts à tout pour préserver leur monopole de l'armement nucléaire dans la région. D'un point de vue technique, une telle opération nécessiterait plusieurs raids, les sites nucléaires iraniens étant disséminés à travers tout le pays et, pour les plus névralgiques d'entre eux enfouis à 10, voire 20 mètres, dans le sous-sol et protégés par des murs de béton de deux mètres d'épaisseur. La destruction de quatre des nombreux sites est nécessaire pour empêcher le programme iranien d'enrichissement de l'uranium de se poursuivre. Pour ce faire, Israël dispose de bombes américaines capables de détruire des cibles à 30 mètres de profondeur et de percer des murs de béton de 6 mètres d'épaisseur. Mais les retombées seraient dramatiques pour l'ensemble de la population iranienne et celles des pays voisins, l'air pouvant être contaminé sur plusieurs centaines de kilomètres au-delà des points d'impact. La population israélienne, pour sa part, souffrirait d'attaques par des missiles conventionnels, l'Iran disposant de ce type de projectiles capables d'atteindre l'Etat hébreu. Sans compter que le Hezbollah libanais pourrait servir de relais et de force d'appui si ce schéma apocalyptique venait à se réaliser. Le risque d'une agression unilatérale d'Israël contre l'Iran est réel et a été confirmé par le général Petraeus, qui supervise les forces américaines dans la région. Témoignant devant une commission du Sénat, il a même affirmé que la politique israélienne était désormais de nature à nuire aux intérêts américains dans la région. La dernière visite de Joe Biden à Tel-Aviv avait pour l'un de ses principaux objectifs de faire part aux dirigeants israéliens du veto de Washington, opposé aux frappes préventives contre l'Iran. La crise provoquée par l'annonce d'un projet immobilier à Jérusalem-Est, au moment même de la visite, a complètement occulté cet aspect important de la mission du vice-président américain. Ceci explique-t-il cela ? À la lecture du contexte complexe dans lequel se négocie le dossier nucléaire iranien, marqué par des tensions multidirectionnelles et des intérêts à la fois économiques, énergétiques et géostratégiques, la rencontre des 12 et 13 avril à Washington prend une extraordinaire importance. Si la Chine, premier exportateur vers l'Iran devant l'Allemagne, décide de privilégier ses intérêts bilatéraux et refuse de suivre l'Europe et les Etats-Unis dans la voie des sanctions, Washington aura le plus grand mal à convaincre Israël des chances de réussite de la voie pacifique préconisée par le président Obama. Quoi qu'il en soit, même si en dernier recours l'Iran décidait sincèrement à renoncer à tout programme militaire, il exigerait en contrepartie que le potentiel nucléaire israélien soit mis sous contrôle de l'AIEA, ce que l'Etat hébreu n'acceptera jamais. Dans tous les cas l'heure de vérité approche à grand pas pour le régime iranien et, peut-être, pour l'ensemble de la région.