Les représentants du mouvement associatif de Collo viennent de se référer à la présidence de la République pour dénoncer, selon eux, un processus de dilapidation d'une assiette foncière, pieds dans l'eau, localisée en plein centre de ladite ville balnéaire. Le site en question est aussi vieux que la partie coloniale de la cité pré-insulaire. Il a le même âge que le mouvement sportif colliote amorcé à la fin des années 1930 grâce, entre autres, au président du premier gouvernement de l'Algérie indépendante, le défunt Abderrahmane Farès, qui exerçait, à l'époque, en qualité de notaire à Collo. Pour les sportifs, ce stade est le témoin de la saga des années 1970-1980 qui a vu les héritiers du COC et de l'ESC accéder aux divisions supérieures du football algérien. Sur le tuf de ce stade, se sont éclos des étoiles du terroir et des transfuges venus de tout l'Est algérien. Ceci pour les sportifs. Pour la mémoire collective, ce site, gravé à jamais dans l'histoire du pays par des œuvres littéraires, est le témoin de moments forts vécus par les Colliotes. Avant 1962, c'est sur son tuf qu'étaient réunies les populations autochtones pour les pousser à défiler en l'honneur de la puissance coloniale. Son sol fut arrosé du sang qui coulait des blessures des militants du mouvement national torturés, à ciel ouvert, par l'armée coloniale. Après l'indépendance, ce stade fut le témoin de grands moments de joie et aussi de protesta. Toutes les marches officielles ou non s'ébranleront, jusqu'à 1995, depuis ce stade. Qui des Colliotes, des deux sexes, n'a pas joué son premier match de foot, de hand ou de volley-ball sur ce terrain ? Qui des enfants de Sidi Achour, anciens scouts, JFLN, l'UNFA, n'a pas défilé dans ce stade ? Enfin, le site prend le nom d'un héros de notre guerre de Libération. Le martyr Saouli Bachir est une figure du mouvement national. Il a été froidement assassiné par l'armée coloniale au lendemain du soulèvement du 20 Août 1955 pour tuer l'espoir d'une Algérie meilleure. C'est pour défendre cette mémoire et cet espoir que la jeunesse colliote ne cesse de lutter afin de garder au lieu sa vocation, celle d'un stade de proximité, le seul qui existe dans tout le vieux Collo. Et, ce sont quatre associations qui viennent de saisir le premier magistrat du pays, par une lettre dont Liberté détient une copie, pour le sensibiliser sur la question. Il y a deux ans, le site a été choisi pour abriter une gare routière. “La forte mobilisation de la population a fait repousser le projet insensé. Sauf que, depuis, les lieux sont délaissés intentionnellement”, explique le président d'une association. Dans un état délabré, le stade fait office de tout sauf d'une aire de jeux ouverte aux jeunes. Il est tantôt affecté au marché hebdomadaire des fruits et légumes, tantôt aux fameuses foires commerciales. “On est en présence d'une tentative de programmer le site pour des projets dits d'utilité publique mais qui renfermeront des locaux qui risqueront d'être accaparés par des responsables locaux”, explique le président d'une autre association.