La dernière “trouvaille” du pouvoir pour bafouer la liberté d'expression n'a pas laissé la rue indifférente à Tizi Ouzou. Durant toute la journée d'hier, les deux lignes téléphoniques de notre bureau régional n'ont pas cessé de sonner. Au bout du fil, des citoyens scandalisés par la menace de suspension de six journaux, brandie par le gouvernement. “Nous sommes avec vous”. C'est le message qui revenait dans leurs appels. Même position chez les citoyens que nous avons accostés dans la rue. Pour Arezki, étudiant en droit, “cette suspension est purement politique.” Au lieu de se justifier devant l'opinion publique sur les graves scandales révélés par la presse, les décideurs optent carrément pour le bâillonnement de cette même presse. Comme dit l'adage : “quand le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt”. Mais une chose est certaine, la liberté d'expression est un acquis irréversible. Que Bouteflika, Zerhouni, Ouyahia, Belkhadem, Khelil et autres mercenaires sachent que c'est grâce à la presse indépendante que l'Algérie a pris conscience de leur rapine et bradage des richesses du pays. Et si les six titres ne paraissent pas demain, ça sera là une grave atteinte à une liberté consacrée par le sang de tous les martyrs de la démocratie. “Je crois que c'est là une pratique d'un pouvoir aux abois et cerné de toutes parts.” Mokhtar Y., gérant d'un cybercafé, abondera pratiquement dans le même sens : “C'est bizarre, ce prétexte exhibé à chaque fois que les frasques et les crimes économiques commis par des harkis, détenteurs du pouvoir sont dévoilés par la presse indépendante. Que voulez-vous qu'ils fassent d'autre, sinon museler cette presse qui empêche de voler et de détourner les biens du contribuable dans la totale impunité. Pourquoi ne généralise-t-on pas cette mesure dite de “commercialité” à tous les journaux qui ne répondent pas à cette “règle”, alors qu'ils ne vendent pas 30% de leur tirage. Et quel tirage ! À peine 10 000 exemplaires et noyés de dettes vis-à-vis de l'imprimerie de l'Etat. Mais ceux-là, on ne les empêche pas de caresser dans le sens du poil les voleurs qui nous gouvernent.” Leïla Hadj Arab et Amar Zaïdi, avocats du mouvement citoyen, estiment de leur côté que “la presse indépendante est le seul acquis de la démocratie en Algérie. C'est pour cela que le pouvoir veut la museler. Les forces vives doivent rester aux côtés de la presse, car c'est le seul pouvoir valable actuellement, émanant du peuple et pour le peuple”. Invité à s'exprimer sur les mises en demeure sommant les éditeurs de régler leurs créances au plus tard, cet après-midi, Arezki H., fonctionnaire à la wilaya, dira : “Je ne peux pas m'exprimer dans la mesure où l'on ne connaît pas l'autre son de cloche, celui des imprimeries. Si ces journaux ont réellement des dettes, ils n'ont qu'à épurer leur situation. Dans ce cas, on ne peut pas parler de décision politique. En tout cas, ce n'est pas la première fois que ces mêmes journaux crient au loup.” A. T.