Les hôpitaux nationaux connaissent un déficit chronique en matière de moyens et de prise en charge des hémodialysés, des hémophiles, des cancéreux, voire même ceux qui sont atteints de l'hépatite B et C. Ces maladies chroniques semblent prendre du terrain en Algérie. Nombreux sont les malades à prendre leur mal en patience et à attendre qu'ils bénéficient d'une bonne prise en charge. Le réseau d'associations de malades chroniques a dressé hier — lors du Forum d'El Moudjahid — un tableau noir de la prise en charge de ces maladies chroniques en Algérie. Il parle du manque de médicaments, de la mauvaise gestion des dossiers des malades, du laxisme et de l'insuffisance de prise en charge dans des hôpitaux et des secteurs sanitaires. Du fait de leur complication, il déclare que l'hémophilie, l'hépatite, le cancer, l'insuffisance rénale ne constituent pas une priorité de la santé publique. “La prise en charge des ces malades chroniques ne cesse de régresser. En l'espace d'une année — 2009 à 2010 —, la qualité des soins des maladies chroniques, notamment le cancer, a connu une rétrogradation et beaucoup de problèmes qui n'existaient pas auparavant ont surgi”, a déclaré d'emblée Mme Gousmi, présidente de l'association Nour El-Houda (pour la prise en charge des personnes atteintes de cancer. Lors de son intervention, Mme Gousmi a expliqué que la prise en charge du malade est confrontée à “beaucoup de problèmes, notamment la coordination entre les institutions en charge de la santé et les moyens”. Elle précise que plusieurs cancers ne sont pas diagnostiqués à cause du manque de réactifs. “Certains cancers sont guérissables, à titre d'exemple le cancer du sein, mais la mauvaise prise en charge, le manque de médicaments et les rendez-vous très espacés de la radiologie et de la chimiothérapie compliquent davantage cette maladie qui entraîne le décès du malade”, explique-t-elle. Même constat du côté des insuffisants rénaux. La situation est alarmante, selon M. Boukhors, porte-parole de la Fédération nationale des insuffisants rénaux. “Le protocole de dialyse dispensé dans bon nombre d'unités étatiques et privées est inadéquat : diminution du temps de dialyse, non-conformité du rein artificiel utilisé lors de la séance, non-prescription de l'hormone de croissance pour les enfants dialysés, des fistules, manque des médicaments et de produits pour la greffe…” a-t-il expliqué. Selon lui, cette maladie est devenue un véritable fonds de commerce pour de nombreux affairistes, certains médecins y compris, qui font payer doublement les patients. Il signale que malgré plusieurs correspondances et une journée parlementaire à l'APN, le ministère de la Santé reste “hermétique” à toutes les propositions et suggestions susceptibles d'améliorer la prise en charge du malade et sa qualité de vie. “L'hémodialyse est censée améliorer la qualité de vie des malades et le préparer à une éventuelle greffe rénale. Or plusieurs patients se sont retrouvés avec des complications dues à tous ces problèmes. Cette situation est due à la méconnaissance de divers mécanismes des traitements de l'insuffisance rénale, au manque de contrôle et à l'existence de réglementation appropriée à ces traitements”, a indiqué M. Boukhors. Pour ce qui est de l'hémophilie, la présidente de l'Association algérienne des hémophiles Latifa Lamhene avance le chiffre de 1 500 hémophiles recensés. Or, il existe, selon elle, une population de près de 3 500. “80% des hémophiles en Algérie sont des handicapés en raison de la mauvaise prise en charge de la maladie et du manque de médicaments”, précise M. Lamhene. Elle lance un appel pour la révision de la circulaire n°5 portant sur la décentralisation des soins prodigués aux personnes atteintes de cette maladie. La présidente de l'AAH a insisté également sur le besoin d'améliorer le diagnostic et les soins pour les personnes atteintes d'hémophilie. Dans ce sens, Mme Lamhane a affirmé qu'une personne hémophile qui bénéficie de soins peut s'attendre à mener une vie longue et saine ; mais en l'absence de traitement, les hémophiles souffrent de douleurs chroniques, d'invalidité et d'isolement qui affectent sensiblement leur qualité de vie. Enfin, le réseau des associations des malades chroniques lance un appel au ministère de la Santé pour la création d'un programme national de prise en charge des maladies chroniques, notamment l'hémophilie, l'hépatite, le cancer et l'insuffisance rénale.