Résumé : Mohamed prend le garçon en sympathie. Il n'est pas aussi mauvais qu'il voulait le paraître. Seule la misère l'avait incité à voler. Il lui demande de prime abord de lui indiquer un haras où il devrait laisser son cheval… 27eme partie Le jeune garçon hoche la tête. Mohamed constate qu'il tremblait. Pauvre garnement, se dit-il. Il est affamé. Il lui prend la main et l'oblige à le suivre. Malgré ses réticences, le garçon sentait une confiance naître en lui à côté de cet homme qu'il venait à peine de connaître. Mohamed se dirige vers une gargote et s'assoit à une table, avant d'inviter le garçon à en faire de même : - Assieds-toi donc. Tu vas dîner avec moi, mais gare à toi si tu fais un geste déplacé. Le garçon secoue sa tête. Trop content de pouvoir manger à sa faim. Mohamed commande deux plats de ragoût de pommes de terre, accompagnés de morceaux de viande. Le garçon, qui n'avait pas mangé de viande depuis des lustres, ouvrit les yeux tout ronds : - De la viande ! - Oui. Tu n'aimes pas ? - Oh monsieur, j'en rêvais la nuit… Mais… - Mais quoi encore ? - Mais quand je pense à ma mère et à mes sœurs qui n'ont rien à se mettre sous la dent, je me sens un peu coupable. - Mange donc et ne pense à rien. Je vais arranger ça. Le garçon ne se le fait pas répéter. La misère avait contraint les gens à voler et à tuer. C'était une époque bien dure pour le pays. Quand un compatriote pouvait subvenir au besoin de sa famille, il pouvait remercier la providence car, en ces temps de vaches maigres, seuls les colons avaient droit à une vie meilleure. Mohamed termine son repas et demande un café. Il regarde le jeune garçon qui se léchait les lèvres et les doigts. - Tu as encore faim ? - Non. Il passe une main sur son ventre. J'ai chaud là-dedans. Cela fait bien longtemps que j'ai oublié cette délicieuse sensation. - Alors remercie la providence. Ils restèrent assis là un long moment en silence puis, une fois son café ingurgité, Mohamed se lève et le garçon en fait de même. - Viens. Allons acheter quelque chose pour ta mère et tes sœurs. - C'est vrai monsieur ? - Qu'est-ce qui est vrai ? - Que voulez-vous acheter à manger à ma famille. - Montre-moi plutôt un marchand de légumes et de fruits, et un boulanger. Le garçon ne se le fait pas prier. Il désigne à Mohamed une boulangerie traditionnelle située non loin de là, puis des étals de marchands qui tentaient de liquider leurs derniers légumes et fruits. Mohamed s'approvisionne et achète même un beau morceau de viande. - Voilà jeune garçon. Va rejoindre ta mère et tes sœurs et donne-leur ces quelques victuailles. Vous aurez de quoi tenir durant quelques jours. Le garçon avait les larmes aux yeux et se met à embrasser les mains de son bienfaiteur. - Oh merci… Merci monsieur… Je ne savais pas que j'allais rencontrer quelqu'un comme vous ce soir. - Quelqu'un que tu voulais voler, le taquina Mohamed. - Pardonnez-moi. Pardonnez… - Assez parler. Va porter tout ça à la maison et… Il brandit son index : - À partir d'aujourd'hui, fini les chapardages. - Je vous le promets monsieur. Il baisse les yeux un moment. - C'est la misère qui m'y pousse vous savez. - Je sais. Mais dis-moi jeune garçon, comment t'appelles-tu ? - Ali. - Moi, c'est Mohamed. Veux-tu m'aider à bien connaître la ville ? - Bien sûr monsieur. Quand vous voudrez. - Eh bien, je vais passer la nuit au hammam situé le long du sentier qui remonte du port. - Ah oui. Je vois. - Alors, viens me rejoindre dès demain matin. Nous verrons ensuite ce qu'il y a lieu de faire. - Bien monsieur, j'y serai dès le lever du jour. Mohamed se met à rire. - Non pas dès le lever du jour. Je suis exténué. Viens vers le milieu de la matinée, je t'attendrai devant l'entrée. - Promis monsieur. - Appelle-moi donc Mohamed, ne sommes-nous pas amis ? Y. H. (À suivre)