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La guerre linguistique en Belgique
Flamands contre Wallons
Publié dans Liberté le 22 - 04 - 2010

Ce n'est pas d'aujourd'hui. Depuis des années, Flamands et Wallons, qui habitent le même pays, la Belgique, le cœur de l'Europe, menacent de se séparer et se font constamment peur. Mais, maintenant, la zizanie linguistique a l'air plus sérieuse. Les Belges n'en sont pas encore aux armes. C'est une vieille démocratie, mais leurs politiciens n'en dorment plus : la langue est devenue leur principale préoccupation. Les élus se crépissent le chignon et se traitent de tous les noms d'oiseaux.
Heureusement que ces coups de gueule et passes d'armes n'ont aucune incidence sur la marche économique, la marche tout court du pays. La Belgique possède un roi qui est résolument au-dessus de la mêlée et qui s'épuise à éviter le pire : la coupure. Oui, hors des politiciens, le bon sens est encore vivace dans le pays, tant et si bien que les Belges eux-mêmes n'hésitent pas à qualifier leur guerre linguistique de blague. Cependant, il est tout aussi vrai que les exaltés chauvins des deux bords parviennent à faire l'actualité. Le médiateur chargé par le roi, un ancien Premier ministre, plus ou moins consensuel, de la difficile réforme des institutions, propose de supprimer les droits acquis des francophones vivant dans les banlieues flamandes de Bruxelles, sauf dans six communes où ils seraient au contraire définitivement garantis. Bruxelles la capitale est géographiquement sur le territoire flamand. Jean-Luc Dehaene est un chrétien-démocrate flamand et son compromis pour régler la question cruciale du district bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) n'en n'est pas un aux yeux des Wallons francophones. BHV est l'expression du nœud gordien du conflit qui oppose les néerlandophones de Flandre aux francophones de Bruxelles et de Wallonie, en désaccord sur une réforme des institutions fédérales du pays. Les Flamands réclament la disparition du droit, à leur yeux injustifié, des 100 000 francophones habitant dans 35 communes de la province du Brabant flamand, en périphérie de Bruxelles, de voter pour des listes francophones ou de saisir la justice dans leur langue. Sur ce point, Dehaene leur donne raison. Les francophones réclament des autorités régionales de Flandre qu'elles renoncent à remettre en cause le statut spécial dont ils jouissent dans les communes “à facilités linguistiques”. L'élection des maires de trois de ces municipalités en 2006 n'a toujours pas été reconnue par le gouvernement flamand au motif qu'ils ont envoyé des convocations électorales en français à leurs administrés francophones. Et oui, cela se passe aussi comme ça dans la capitale de l'UE. Quand on lit la presse des deux “tribus”, c'est tout juste s'il n'existait pas de chasse à l'homme en vertu du délit de la langue.
Les Flamands ont défrancisé le mobilier urbain : plus d'enseignes et de plaques en français, rien, la langue de Molière est déclarée hors la loi. Le trait est exagéré, mais les Belges adorent apparemment se faire peur. Le troc prévoit, d'une part, de supprimer les droits des francophones de la périphérie de Bruxelles pour enrayer définitivement le phénomène de la “tache d'huile” démographique dénoncée par les Flamands. Et, en contre partie, les Belges francophones des six communes à statut spécial pourront se prélasser dans leur francité. Les francophones menacent d'ores et déjà de recourir au Conseil de l'Europe ou à l'Union européenne pour faire condamner les autorités régionales flamandes pour non-respect des droits d'une minorité. Belle pagaille en perspective après le feuilleton du volcan qui a paralysé l'Europe. Le compromis est précaire, car la Belgique a fini par enfanter des radicaux indépendantistes flamands, d'un côté, et des fédéralistes francophones du FDF, de l'autre. Et ceux-là sont prêts à couper le pays en deux ! Les partisans de la cause flamande exigent la liquidation pure et simple de tous les privilèges consentis aux francophones hors de Bruxelles, en un mot, leur éviction s'ils ne se mettent pas à la langue flamande, tandis que le FDF réclame que la région de Bruxelles-Capitale soit élargie aux six communes “à facilités”, c'est-à dire détacher ces régions de la Flandre. Le gouvernement belge en n'en est pas là, les négociations continuent, mais elles risquent de capoter, et le roi descendra de nouveau sur l'arène pour nommer un autre médiateur… Derrière ces frayeurs d'un autre siècle, c'est toute la question des réformes de la vieille démocratie qui est posée en Belgique.
Il est question de la réduction des pouvoirs du roi, peu populaire en Flandre, qui perdrait le pouvoir de sanction des lois par sa signature et le droit de grâce.La proposition prévoit aussi plus d'autonomie pour les régions, une revendication fondamentale pour la Flandre. Le temps est compté car le gouvernement Leterme souhaiterait faire son rapport dès jeudi au Parlement et boucler la réforme avant la présidence belge de l'UE en juillet. La foire d'empoigne a commencé. D'un côté : les partis chrétiens-démocrates francophone, les libéraux francophone ainsi que le PS francophone, tous au pouvoir, rejoints par les partis écologistes Ecolo et Groen, qui siègent dans l'opposition au niveau fédéral.
Dans l'autre camp, la palette politique des Flamands qui se décline de l'extrême droite aux socialistes, en passant par les écolos. Le vrai enjeu n'est pas si linguistique que cela : la Flandre riche, très riche, ne veut plus débourser un sou pour la Wallonie en déclin.


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