Alors que l'Arizona, Etat voisin du Mexique, vient de légiférer sur “le délit de faciès”, les hommes politiques américains de premier plan déclarent que les Ètats-Unis doivent ouvrir leurs frontières. C'est la nature même de la première puissance mondiale et c'est également le prix du maintien du niveau de vie américain, le fondement du mythe américain, plaident-ils. Paradoxe américain : la loi “SB1070”, adoptée le 19 avril par le Parlement de l'Etat de l'Arizona, autorise la police à contrôler les résidents et passants dès lors qu'elle a un soupçon sur leur statut. En clair, toutes les têtes latinos, qui font la richesse de l'Arizona, tombent sous le coup de cette loi infamante. Les immigrés ou descendants d'immigrés hispaniques représentent la première minorité du pays, ils sont les premiers concernés dans cet Etat gouverné par un républicain nostalgique des années Bush et frontalier du Mexique. Les post-bushiens, bien repris en main par Sarah Palin, gouverneur haut en couleur, de l'Alaska et représentative de l'Amérique blanche et raciste, reprochent aux Latinos leurs votes démocrates. Lors des législatives de 2006, leurs voix ont renvoyé chez eux des républicains et en 2008, elles ont contribué à ouvrir la route de la Maison-Blanche à Barak Obama. Les Latinos se sont mobilisés et en appellent donc à Obama. Des rassemblements massifs sont convoqués dans tout le pays. Le premier président noir des Etats-Unis avait fait des promesses électorales mais, il lui sera difficile, soutiennent ses proches, de renvoyer tout de suite l'ascenseur aux Latinos. À Washington, où le calendrier des démocrates est déjà chargé avec la régulation financière, le changement climatique et les efforts en cours pour doper l'emploi, l'idée d'aborder la question de l'immigration, divise les progressistes au Congrès comme les commentateurs politiques. En attendant une décision venue de Washington, le texte proposé par la gouverneure républicaine Jan Brewer est sévèrement condamné par les chefs d'Etat latino-américains. Le président du Mexique, Felipe Calderón, a dénoncé une loi “inhumaine, inacceptable, discriminatoire et injuste” et menace de boycotter les produits et services en provenance d'Arizona ainsi qu'à décourager ses ressortissants de s'y rendre en vacances. Près de 16,5 millions de touristes issus d'Amérique centrale et du Sud vont aux Etats-Unis chaque année, ils réfléchiront à deux fois avant de le refaire avec ce risque d'être interpellés en raison de la couleur de leur peau ou de la langue qu'ils parlent. Les Latinos de l'Arizona envisagent de s'expatrier vers des lieux américains plus accueillants comme Miami, Los Angeles ou d'autres grandes villes, où la population hispanique est importante et où ils ne risqueront pas un contrôle au faciès. C'est le moment choisi par l'ex-président Bill Clinton pour interpeler le Congrès à “voter quelque chose”. Car, selon lui, “la valeur de (son) pays, ce que n'ont pas la Chine ou l'Inde, c'est que nous avons des personnes de partout dans le monde ici, et qu'ils font du bon travail”. Il y a environ 12 millions d'immigrés illégaux, “nous n'allons pas les expulser, donnons-leur un statut. Il ne faut pas leur donner la citoyenneté, à moins qu'ils ne réussissent les tests, mais donnons-leur un statut permanent et tout ira bien”, a-t-il martelé. Contradictions chez les républicains : certains d'entre eux demandent plus d'immigrés, “la présence d'immigrés illégaux est une bonne chose pour les Etats-Unis, ils acceptent les jobs dont personne ne veut et à un salaire défiant toute concurrence”. Mike Bloomberg, le maire de New York réprouve la loi votée en Arizona, une “invitation au harcèlement” car il sait que sa ville ne doit son dynamisme pas qu'à Wall Street. Les services fonctionnent grâce aux petites mains latinos. Le maire de New York a ainsi annoncé qu'il soutiendrait “à 100%” Obama, si le président décidait de revoir les lois sur l'immigration. Un projet de l'administration Obama devrait être présenté à l'été, il prévoit de permettre aux immigrés illégaux d'obtenir des papiers après un certain délai sur le sol américain. Ce projet est une promesse de campagne du candidat Obama aux Hispaniques. Mais dans son camp, beaucoup craignent que le moment soit mal choisi. L'argument selon lequel les immigrés “prennent le travail des Américains” est agité par les petits Blancs en cette période de crise. Une chose est certaine, dans une première étape, les clandestins qui ont un emploi seront régularisés et lorsque la croissance reprendra, même les républicains feront venir des étrangers.