C'est en lisant le dernier livre de l'économiste français Elie Cohen, " Penser la crise, Défaillances de la théorie, du marché, de la régulation ", publié chez Fayard en avril 2010 que je me suis aperçu que les débats contradictoires, chez nous, sur la conduite des politiques économiques ne sont pas aussi spécifiques qu'il n'y parait. Voyons pourquoi. D'abord à ceux, encore nombreux chez nous et ailleurs, qui continuent de nous ressasser les vieilles recettes libérales, il rappelle, après les économistes américains Paul Krugman et Joseph E. Stiglitz, que " les théories dominantes en macroéconomie et en finance se sont révélées insuffisantes ou peu prédictives ".Mais les similitudes avec nos débats économiques internes se retrouvent dans les quatre scénarii de sortie de crise qu'il esquisse dans la conclusion de son ouvrage. Examinons les. Le premier scénario est celui de la construction d'une régulation internationale : " transformation du système financier et la mise en place d'une architecture de régulation véritablement transnationale ". Ce scénario nous interpelle directement car il aurait un impact direct sur la gestion de nos réserves de change (dollar) et celle de nos zones d'importations (euro). Mais je partage avec l'auteur l'idée que ce scénario est peu probable car il suppose " des transferts de souveraineté à des organismes de gouvernance globale dans un contexte de crise et d'attrition de l'activité, alors que les opinions publiques réclament de la sécurité et de la protection aux gouvernements nationaux ". Le deuxième scénario de sortie de crise est le scénario d'une régulation par régions économiques avec comme modèle le modèle européen. A l'épreuve des faits ce scénario de sortie de crise par le haut est difficile à réaliser. L'appel au Fonds monétaire international (FMI) pour s'engager avec l'UE dans le traitement de la crise grecque, l'explosion de la dette souveraine de la plupart des pays de l'UE et l'inexistence d'un fédéralisme fiscal et d'une gouvernance économique unifiée sont autant de réalités qui s'opposent à la faisabilité de ce scénario. Un tel jugement est encore plus vrai pour notre région économique naturelle celle de la zone arabe de libre échange (ZALE). Ainsi on ne peut pas dire que la ZALE se construit dans la cohésion, la confiance et la transparence entre les pays membres avec tous les problèmes que nous connaissons en matière de certificats de conformité et de faible intégration arabe des produits. Le troisième scénario, celui du " repli national " nous intéresse le plus car il a été mis en œuvre presque partout dans le monde y compris chez nous où il a suscité et continue de susciter des réactions internes et externes du fait des intérêts bousculés et/ou sauvegardés. L'auteur nous cite deux exemples intéressants dans la branche de l'automobile : celui des Etats –Unis qui ont commencé avec un soutien de 17,4 milliards $ au " Big Three " (General Motors, Ford et Chrysler), suivie par celui de la France qui a demandé par la voix du président Sarkozy le retour au pays des lignes de production de Renault en Tchéquie. A côté le rachat de la dette de la SNVI par les pouvoirs publics, qui a vu la levée des boucliers de nos " libéraux ", est franchement négligeable. La Russie, à défaut d'interdire l'importation de véhicules d'occasion comme en Algérie, en a augmenté les taxes, rendant de fait l'opération peu économique. L'Equateur a augmenté les tarifs douaniers de plus de neuf cent produits. Il cite également " le retour en force " des " clauses de préférence nationale en matière de marchés publics et le protectionnisme par les normes techniques " (jouets chinois bannis de certains pays).Il ajoute que la Banque mondiale a signalé que, depuis le début de la crise, soixante dix huit mesures protectionnistes ont été prises dans le monde. Il faut noter que l'Algérie n'a pas modifié son système tarifaire qui demeure le plus bas du Maghreb. La seule mesure qui a été initiée dans ce domaine, qui avait soulevé également beaucoup de réactions chez un segment des importateurs, avait été l'obligation du contrôle de conformité dans le pays exportateur. J'ai toujours pensé et écrit que ce scénario, qui a été utile pour l'Algérie car il a inversé la tendance exponentielle des importations, ne peut être que transitoire. C'est ce que nous dit aussi Elie Cohen en écrivant que " la désintégration des processus de production et l'étirement des chaînes d'approvisionnement, d'un côté, l'internationalisation du contrôle des sociétés de l'autre, ne favorisent pas le retour à des économies nationales autosuffisantes ". En vérité pour l'auteur le scénario le plus probable est un quatrième qui " emprunte à chacun des trois précédents ".Ce dernier ne sera ni celui de la rupture ni celui de la refondation. Cela sera celui " d'une mondialisation bancale, une régionalisation molle, des poussées de nationalisme économique, alors que, en profondeur le monde se reconfigure autour de nouveaux ensembles économiques et monétaires régionaux ". Affaire à suivre de près. Enfin, et pour conclure, cette explication de texte que je vous ai proposée peut nous aider à mieux mettre en perspective nos débats internes et surtout nous invite à plus de pondération dans la défense de positions, empreintes quelquefois d'idéologies différentes et de défense d'intérêts certes légitimes mais non globaux. Car personne ne détient seul la vérité sur ce qui est le mieux pour l'économie nationale Si tel avait été le cas cela se saurait.