Liberté : Qui est Toufik Boumahdi ? Tewfik Boumehdi : Je suis céramiste, fils de Mohamed Boumahdi qui a fait ses preuves dans le domaine. Mon père a travaillé avec l'architecte français Pouillon dans les complexes touristiques de Sidi Fredj, Zéralda… (pour la partie décoration). C'était l'un des meilleurs céramistes dans le monde. Il a d'ailleurs écrit un livre sur la céramique (qui n'est pas passé inaperçu). Je suis son élève. Je suis diplômé de l'Ecole nationale des arts décoratifs de Limoges. J'ai réalisé de nombreuses fresques en Algérie. Avec des architectes, on a fait beaucoup de rénovations de villas mauresques en Algérie. J'ai participé à des expositions en Belgique, en Allemagne, en Irak, au Koweït. Pour l'anecdote, le consul d'Algérie au Canada organise des soirées pour la communauté algérienne au Canada avec comme décor des œuvres de Boumahdi (qui sont achetées par nos compatriotes). Un brin de nostalgie. Cela leur permet de se réchauffer le cœur grâce à ces œuvres qui leur renvoient la beauté et les souvenirs de leur pays. Qu'en est-il de la fresque du Centre de conventions d'Oran, découverte lors de la 16e Conférence internationale du GNL organisée en avril dernier ? C'est une fresque qui a été conçue en Algérie. J'ai créé le prototype à partir duquel les ateliers espagnols ont réalisé les pièces en céramique composant la fresque. Elle s'étend sur 3 000 mètres carrés. C'est la plus grande fresque en céramique au monde. (Ndlr : OHL, l'entreprise espagnole chargée de la réalisation du Centre de conventions d'Oran a contribué à le faire entrer au Guiness des records). J'ai conçu le design (choix des couleurs, des formes…). J'ai assuré le suivi technique (de la pose de la fresque). La céramique a été fabriquée en Espagne. Il n'y a pas un atelier en Algérie qui puisse le faire eu égard aux délais impartis de six mois. Il fallait fédérer une série d'ateliers locaux. Mais la contrainte de temps a imposé le choix d'ateliers espagnols. Il faut noter que la céramique du Centre de conventions d'Oran s'inspire du style Racim. Quels sont vos projets pour faire connaître la céramique algérienne aussi bien en Algérie qu'à l'étranger ? Chaque fois qu'il y a une opportunité, je suis partant. La fresque du Centre de conventions d'Oran est une belle carte de visite qui va permettre de faire découvrir le cachet algérien. Quelles sont les origines de la céramique algérienne ? Il y a eu beaucoup d'importations de céramique après le tremblement de terre de La Casbah au XVIe siècle. Il y a eu ensuite quelques pieds-noirs qui se sont adonnés à cet art de la décoration en Algérie. À l'Indépendance, mon père comptait parmi les premiers à faire de la céramique de décoration un métier, une vocation. Il s'est beaucoup inspiré du miniaturiste Racim. Le dernier mot pour conclure… J'aimerais que le cachet algérien soit préservé, que sa perénité soit assurée. L'Algérie a été un pays d'accueil pour beaucoup de céramistes de la Méditerranée. Ce concentré de décorateurs a contribué au lancement de la céramique algérienne. Cette dernière s'en est imprégnée. Mais elle a intégré le cachet local en s'inspirant notamment du style Racim. Mon atelier contribue à la préparation de la relève. Nous faisons de la formation. Des jeunes dans mon atelier ont commencé à aimer ce métier. La céramique d'inspiration locale constitue leur vocation. Et très probablement celle de leurs enfants.