L'image idyllique du nouveau Premier ministre britannique, David Cameron et son vice-Premier ministre, Nick Clegg, entrant ensemble au 10, Downing Street, ne doit pas faire illusion. Même s'ils ont présenté un exécutif “harmonieux”, le conservateur et son numéro deux libéral-démocrate, divergent sur de nombreux points et pas des moindres. Les deux dirigeants, très à l'aise, tout sourire et plein d'humour, ont laissé dans l'ombre nombre de détails sur la manière dont ils opéreront à la tête de la première coalition formée au Royaume-Uni depuis 70 ans. Ni l'un ni l'autre, à vrai dire, ne souhaitait se retrouver dans cette position. La situation s'est imposée à eux, Cameron ne pouvait pas gouverner seul et Clegg n'aurait pas eu d'existence politique s'il s'était condamné à rester la troisième pièce d'un système jusqu'ici à deux partenaires. Le chef des LibDem a lui-même rappelé l'existence de points de divergences avec les conservateurs avant d'assurer faire des efforts pour gouverner avec Cameron dont il partage au moins le jeune âge et la culture de masse moderne. Les deux hommes jurent forger une alliance durable qui introduira une nouvelle façon de faire de la politique dans la vieille Grande-Bretagne. Pour l'instant, électeurs, médias et la City assistent à cette lune de miel médusés, en attendant les premières mesures impopulaires. Les milieux européens sont également dans l'expectative, les conservateurs étant anti-Bruxelles tandis que les LibDem convaincus que l'avenir de la Grande-Bretagne est au sein de l'Europe. Bruxelles attend maintenant d'en voir la synthèse à l'œuvre, se déclarant satisfait de voir le système parlementaire britannique évoluer vers des pratiques davantage européennes avec l'abandon du bicéphalisme Tories-Labour. D'autre part, le vice-Premier ministre, Nick Clegg, polyglotte, à l'ascendance russe et à l'épouse espagnole, est perçu comme un enfant du sérail bruxellois, puisqu'il y a travaillé à la Commission européenne. Nick Clegg va-t-il devoir renoncer à ce qu'il avait maintes fois répété, d'amener le Royaume-Uni dans la zone euro ? Et c'est, surtout, la nomination au poste-clé de secrétaire au Foreign Office de l'ancien chef du Parti conservateur William Hague, connu pour son euro-scepticisme militant, qui assombrit quelque peu l'ambiance chez les eurocrates. Des couacs en perspective, sans compter les profondes divergences sur entre autres le système fiscal, la question de la dette de l'Etat, la révision de la loi électorale… En attendant, Londres s'est payé un gouvernement “So British”, un attelage inédit qui se dit engagé dans une alternance historique. L'avenir dira si des personnalités si contrastées peuvent cohabiter. Portraits : David Cameron, 43 ans, est le plus jeune Premier ministre des 200 dernières années. Chef des Conservateurs depuis 2005, il fait d'un conservatisme moderne et compatissant, sa profession de foi. Nick Clegg, vice-Premier ministre, 43 ans. Quasi inconnu avant ce scrutin, il en est devenu l'arbitre. Son principal cheval de bataille est de faire accepter une réforme du mode de scrutin, pour instiller une dose de proportionnelle plus favorable à son parti, casser le jeu des alternances gauche-droite. Il est également ouvertement pro-européen. William Hague, ministre des AE, un conservateur pur jus forgé sous l'ère Thatcher, un anti-européen farouche. George Osborne, le ministre des Finances n'a que 38 ans, proche de Cameron, il veut s'attaquer de façon drastique, voire brutale, aux déficits publics, donc favorable à d'autres coupes dans les budgets sociaux. Liam Fox, le ministre de la Défense, un médecin devra gérer la guerre engagée par son pays en Afghanistan et en Irak. Quant à Gordon Brown, l'ex-Premier ministre, il s'est retiré de la tête du parti travailliste pour se consacrer à des actions caritatives au sein d'Action-Aid pour la lutte contre la pauvreté et Piggy Bankkids, une ONG pour l'enfance dans laquelle travaille sa femme, Sarah. Brown a dit couper le pont avec la politique.