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Le temps joue pour Gordon Brown
Imbroglio électoral britannique
Publié dans Liberté le 12 - 05 - 2010

Six jours après les élections législatives, l'incertitude politique, loin de se dissiper, s'est accentuée en Grande-Bretagne où le départ annoncé de Gordon Brown rebat les cartes des alliances possibles avec le libéral-démocrate Clegg dont les pourparlers avec les conservateurs n'a pas abouti…
Gordon Brown se frottait lundi soir les mains : aucun accord n'avait été conclu entre les conservateurs et les libéraux-démocrates britanniques. Le Premier ministre travailliste sortant y voit sa chance et reste persuadé qu'il n'aura pas à restituer les clefs du 10 Down Street. Il pense qu'il pourra trouver des arrangements avec les libéraux-démocrates. Les négociations de ces derniers avec les conservateurs ont achoppé sur plusieurs questions. Les “LibDem” ont demandé des précisions sur les l'éducation, la fiscalité et la réforme électorale, a fait savoir leur porte-parole, David Laws, qui a également précisé que son parti était également en discussions avec le parti travailliste de Gordon Brown. Conservateurs et “LibDem” étaient en négociations tout le week-end en vue d'un éventuel accord de gouvernement, les conservateurs, arrivés en tête avec 306 sièges sur 650, espéraient s'entendre avec le parti de Nick Clegg (57 sièges) pour trouver une majorité, fixée à 326 sièges. Le marathon a apparemment fondu puisque Nick Clegg a laissé tomber David Cameron pour se tourner vers Gordon Brown. À moins que ce soit une manœuvre pour faire monter les enchères et obtenir plus de concessions de la part des Tories, notamment sur la révision de la loi électorale qui favorise les deux partis qui alternent en Grande-Bretagne : les conservateurs et les travaillistes. La montée des “LibDem” est, par ailleurs, l'expression du ras-le-bol des électeurs grugés par ces alternances. Pour pouvoir gouverner, les travaillistes ou les conservateurs ont absolument besoin de s'allier à Nick Clegg qui, sachant qu'il est le faiseur du 10 Down street, fait la fine bouche. Il a toute latitude de choisir avec qui s'allier et d'exiger sa part dans le programme du futur gouvernement. Le leader conservateur a réuni, hier soir, ses élus pour voir jusqu'où il peut aller dans les concessions avec les “Libdem”. De son côté, Gordon Brown ne désarme pas et continue de courtiser Nick Clegg. Le Premier ministre travailliste sortant, qui peut se maintenir tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas en mesure de se former, a rencontré lundi la pièce maîtresse de l'imbroglio électoral britannique, au ministère des AE. L'entretien, qualifié d'amical par les deux partis, était le premier entre les deux hommes depuis le scrutin. Un accord Tories-Lib Dems pourrait devenir un scénario de plus en plus crédible si les pourparlers de ces derniers avec le sulfureux David Cameron ne débouchent sur rien de concret. Le mariage conservateurs/libéraux semble contre nature à plus d'un libéral. Le parti centriste penche plus vers la gauche et exige la réforme du mode de scrutin, avec l'introduction de la proportionnelle. Si, Cameron a proposé juste de lancer la réflexion, les travaillistes promettent eux un référendum sur la question. Donc mardi matin, les Britanniques étaient en haleine. Les conservateurs/libéraux-démocrates ne sont pas parvenus à rompre leurs divergences et il paraissait difficile pour leurs leaders de s'accorder sur un vrai programme de coalition. Pourtant ils disposeront à eux deux d'une majorité absolue de 37 sièges. À défaut d'une coalition, ils auraient pu s'entendre sur une alliance plus informelle, les “LibDem” soutiennent le gouvernement sur les projets de loi les plus importants, et en retour leur avis est pris en compte par les David Cameron. Reste un accord travaillistes/libéraux-démocrates. Gordon Brown s'est dit prêt à négocier, ce les “LibDem” n'ont pas exclu. Les deux partis semblent plus proches, le Labour ayant déjà promis un référendum sur la réforme du mode de scrutin. Cependant, leurs 315 sièges cumulés ne leur donneraient pas la majorité absolue (326). De petits partis pourraient se joindre à eux, comme par exemple le Parti unioniste démocrate (DUP, nord-irlandais) qui détient huit sièges, mais ces partis ont d'ores et déjà annoncé qu'ils monnaieront au prix fort. Si personne ne parvient à former de coalition, les conservateurs, en tant que parti disposant du plus grand nombre de sièges, formeront un gouvernement minoritaire. Reste la reine en dernier recours.
Depuis le résultat des élections, Elizabeth II est maintenue au courant des négociations entre les trois leaders. Même si c'est la reine qui invite formellement celui qui peut s'appuyer sur une majorité à devenir Premier ministre, la tradition veut qu'elle ne prenne aucune part au processus de décision. Mais si Cameron, Clegg et Brown n'arrivaient pas à se mettre d'accord, en dernier recours la reine pourrait être obligée de choisir. Un casse-tête constitutionnel en perspective. Il existe toutefois un précédent. La Couronne est intervenue en 1975 en Australie, dont la reine est le chef d'Etat. Le gouvernement travailliste de Gough Whitlam se trouvait dans une situation de blocage, n'arrivant pas à faire passer le budget.
Pour mettre fin à la crise, le représentant de la Couronne, le gouverneur général sir John Kerr, avait déposé Whitlam pour nommer à sa place le chef de l'opposition libérale, Malcolm Fraser. En Grande-Bretagne, les trois partis ont jusqu'au 25 mai pour trouver un accord. À cette date, la reine doit présenter le programme du nouveau gouvernement au Parlement, pour un vote de confiance.


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