Le développement de la PME algérienne est de façon croissante conçu comme un enjeu économique fondamental. La Caisse de garantie des crédits d'investissements aux PME, opérationnelle depuis la fin de l'année 2007, est un élément-clé du dispositif institutionnel mis en place selon Ammar Daoudi pour “encourager et débrider le crédit bancaire aux PME”. Liberté : La CGCI PME est une institution nouvellement venue dans le paysage financier algérien, à quelle préoccupation sa création correspond-elle ? M. Ammar Daoudi : La CGCI est un organisme de crédit qui a été créé à l'initiative des pouvoirs publics pour apporter sa garantie à tous les investissements des PME. En termes plus clairs, par sa garantie, la CGCI couvre les risques de non-remboursement des crédits d'investissements encourus par les établissements de crédit, à l'occasion du financement des projets d'investissement des PME. Ce dispositif de garantie est une réponse aux préoccupations exprimées de longue date par les différents acteurs économiques partie prenante dans le processus de création et de développement de la PME algérienne. Son ambition est de contribuer à encourager et à débrider le crédit aux PME en apportant une garantie à des milliers de projets. La caisse a été créée en 2004, mais n'a démarré réellement son activité qu'en 2008 après avoir réuni toutes les conditions nécessaires pour rendre ce dispositif plus souple et plus réactif en répondant mieux aux attentes des banques partenaires. Je voudrais souligner à cet égard que beaucoup d'expériences étrangères ont montré que le mécanisme de la Garantie financière comme vecteur de partage du risque d'investissement avec les banques nécessite une phase promotionnelle relativement longue pour vulgariser le produit sur la place bancaire et financière. Quelle est la nature de la relation entre la CGCI et les banques commerciales ? Ces dernières font-elles suffisamment appel aux services de la CGCI ? La CGCI a été conçue comme un instrument de partage des risques avec les banques. Elle est donc le partenaire de tous les établissements de crédit de la place pour garantir le financement des PME d'une manière générale. Son objectif vise essentiellement, d'une part, à faciliter l'accès au crédit à un plus grand nombre de PME présentant des projets d'investissement pertinents et d'autre part à atténuer les risques des banques, tout en leur permettant de dégager une capacité de financement additionnelle dans le respect des règles prudentielles. En clair, dans la nouvelle relation du couple banque-PME, la CGCI apporte aux unes – les banques – une garantie financière sûre couvrant entre 60 et 80% le risque d'insolvabilité ou de non-remboursement éventuel du crédit et aux autres – les PME – des conditions d'accès au financement bancaire plus favorables. Ces relations sont définies dans le cadre d'une convention de partenariat signée entre la CGCI et les établissements de crédit de la place. Nous avons signé des conventions avec les six banques publiques ainsi qu'avec plusieurs banques privées. À l'étape actuelle, le recours à la garantie financière par les banques reste encore limité en dépit de l'importance accordée à la garantie dans l'analyse et l'évaluation des risques bancaires. Il faut préciser que le recours à la garantie financière reste facultatif et à la seule appréciation des banques. L'expérience a démontré cependant qu'en matière de couverture des risques bancaires sur les PME, la garantie financière n'a pas d'équivalent. C'est un instrument que nos banques commerciales sont en train de s'approprier progressivement en l'introduisant dans leurs procédures d'octroi de crédit. De quelles ressources la CGCI dispose-t-elle ? Ces ressources sont-elles suffisantes ? La CGCI est dotée d'un capital social souscrit de 20 milliards de dinars sur un capital autorisé de 30 milliards de dinars détenu par un actionnaire de référence, le Trésor public, à hauteur de 60% et le reste réparti entre les six banques publiques. Je considère qu'à l'évidence l'importance de son assise financière en fonds propres et la capitalisation à dominante publique renforcent la signature de garant de la Caisse et en font une institution de premier rang en termes de capacités d'engagement et de réponse à la demande du marché de financement de l'investissement des PME. Dans la configuration actuelle de ses statuts, la CGCI est autorisée par les ratios prudentiels en vigueur à contracter des engagements à hauteur de 12 fois ses fonds propres soit un niveau maximum d'engagement de 240 milliards de dinars. Autrement dit, une telle surface de ressources nous permet d'accompagner effectivement les banques dans le financement de plusieurs milliers de PME que ce soit en création ou en développement. Pour fixer les idées, une simulation que nous avons réalisée récemment fondée sur un montant moyen par projet de 40 millions de dinars permet à la caisse de couvrir à pleine capacité près de 6 000 dossiers ou projets d'investissement avec les ressources dont elle dispose. Quel est le bilan de l'activité de la CGCI ? Ce bilan vous paraît-il satisfaisant ? Globalement et jusqu'au 31 mars 2010, la CGCI a délivré 478 garanties depuis le début de son activité. En termes d'engagements, ces garanties représentent 5,2 milliards de dinars et couvrent un total de crédits octroyés aux PME de 12 milliards de dinars. Le niveau de couverture de ces crédits varie de 60 à 80% selon la finalité des projets d'investissement. Le comité de garantie de la caisse a tenu plus d'une centaine de réunions et traité près de 1000 dossiers depuis le démarrage effectif de notre activité en 2008. Les garanties financières ont bénéficié pour l'essentiel à 5 banques publiques tandis que le recours des banques privées à la garantie de la CGCI reste très marginal. Pour répondre au deuxième volet de votre question je dirai que le portefeuille actuel des garanties accordées aux banques reste sans aucun doute très faible par rapport au volume des crédits d'investissement accordés aux PME. En outre, ces derniers sont eux-mêmes limités puisqu'il a été estimé récemment que sur un total de 625 000 PME et artisans recensés en 2009, seuls 2% d'entre eux bénéficieraient de crédits d'investissement. La compétence des banques de la place n'est pas en cause et de nombreuses raisons peuvent expliquer la prudence de leur attitude face à la demande des PME. Je citerai notamment les difficultés d'appréciation intrinsèque du risque crédit, la lourdeur de la formalisation des garanties et de leur mise en jeu le cas échéant ou encore le faible taux de récupération des créances impayées. Cette position des banques se traduit inévitablement au niveau des PME par un taux d'acceptation des dossiers très faible. On estime qu'en moyenne seules 15 à 20% des demandes de crédits seraient suivies d'un accord des banques. Vous accordez vous-même des garanties à un dossier traité sur deux. Quelles sont les raisons qui vous font écarter certains dossiers présentés par les banques ? Les raisons qui peuvent motiver le rejet de certains projets par la CGCI sont assez diverses. Je mentionnerai par exemple un total de bilan trop élevé qui fait que l'entreprise concernée n'appartient pas à la catégorie des PME ou encore un crédit déjà utilisé. Nous avons également rejeté récemment certains projets dans le domaine du transport trop fortement concentré dans certaines wilayas. Quelles sont les perspectives de développement de votre activité aux cours des prochaines années ? En termes de perspectives pour les années à venir, on peut espérer une amélioration sensible des scores obtenus en 2009 qui se sont traduits par 275 garanties délivrées contre 186 en 2008. La quasi-totalité des contraintes que rencontrait le produit de la garantie financière de la CGCI à s'implanter dans le paysage bancaire a été levée notamment grâce à la simplification de la procédure de souscription et au relèvement du niveau de crédit éligible à la garantie. Cet optimisme est conforté par les mesures adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la loi de finances 2009 et la loi de finances complémentaire 2009 qui assimile la garantie de la CGCI à une garantie de l'Etat et qui relève son niveau maximum à 250 milliards de dinars ce qui ouvre son champ de couverture à la quasi-totalité des PME algériennes. Cette assimilation de la garantie CGCI à une garantie de l'Etat est en outre de nature à rendre le dispositif plus attrayant pour les banques qui peuvent désormais faire sortir de leurs engagements les fractions de crédits couvertes par la garantie CGCI conformément aux instructions de la Banque d'Algérie dans ce domaine. Cet effet de levier de la garantie financière sur les engagements des banques répond à une attente qu'elles ont fortement exprimée et devrait de ce fait les inciter à recourir davantage à ce mécanisme de garantie du risque bancaire. Ce sont des éléments qui nous conduisent à penser que nos réalisations en 2010 vont s'améliorer aussi bien en valeur qu'en nombre de garanties délivrées. Mais je tiens à souligner en conclusion de cet entretien que le facteur-clé qui concourra au succès de ce mécanisme est avant tout son appropriation effective par l'ensemble des banques algériennes